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Manifestation

Maubeuge: «Cette usine n’appartient pas à Renault mais à ses salariés»

Près de 5 000 personnes ont défilé samedi matin dans la ville du Nord pour protester contre le déménagement de l'usine MCA, filiale du constructeur, à Douai.
Manifestation des ouvriers de MCA Renault dont l'usine est en sursis, le 30 mai 2020 à Maubeuge. (Stephane Dubromel/Stephane Dubromel pour Liberation)
publié le 30 mai 2020 à 14h43

Maubeuge a le sentiment d'être trahi. Il y a foule sur le parking de MCA, filiale de Renault, ce samedi matin, pour défendre l'usine phare de la Sambre, qui produit le Kangoo. Au bas mot 5 000 personnes, pour défiler jusqu'à l'hôtel de ville. Un gradé confie : «De mémoire de policier, la plus grosse manifestation dans le coin, c'est 2 000 personnes.» La direction générale de Renault a l'ambition de créer un pôle d'excellence voiture électrique dans le Nord, et veut déménager l'assemblage de Maubeuge à l'usine Georges-Besse de Douai, à 75 km de là. Yannick Charlesege, le délégué CFTC, explique : «L'assemblage, ça représente trois-quarts des effectifs.» Patrice ne décolère pas : «Cette usine, elle n'appartient pas à Renault, elle appartient à ses salariés. On s'est battu pour la garder, depuis 2008, il n'y a pas eu d'augmentation générale des salaires, on a accepté la flexibilité, le travail le samedi, on a toujours répondu présent.»

Ils ont tous au travers de la gorge la visite du président de la République, il y a 18 mois, venu signer un pacte de relance économique du bassin d'emploi. «Il nous a dit "vous n'avez rien à craindre"», se souvient Patrice. Alors, ils étaient si fiers d'être le fleuron européen du groupe, avec une productivité de 100 véhicules par an et par salarié, au-delà des objectifs affichés par le groupe. Douai n'a pas les mêmes résultats : l'usine, spécialisée dans le haut de gamme, Scénic et Espace, a vu ses volumes s'éroder au fil des années. D'ailleurs, elles vont s'arrêter totalement dans les deux ans à venir, Douai basculant dans le tout électrique.

«Trahison»

«Ça fait 15 ans qu'on paye leurs salaires, qu'ils chôment régulièrement», grogne Mohammed. Ils comprennent d'autant moins que MCA Maubeuge doit produire le nouveau Kangoo, en diesel, essence et électrique : 450 millions d'euros ont été investis et les premiers prototypes sont arrivés il y a trois semaines à Maubeuge, pour commencer les tests sur la chaîne de production. C'est dire à quel point la nouvelle les a tous sidérés, quand elle a fuité en début de semaine dernière. Levée de boucliers. «Sous la pression, la décision, qui devait être validée en conseil d'administration, a été suspendue», explique Yannick Charlesege. Des négociations commencent mardi, à Bercy.

Dans le cortège, les écharpes tricolores sont nombreuses. Les élus s'inquiètent. «Je suis maire d'un village de 300 habitants, et il y a au moins cinq familles impactées, explique Daniel Etévé, maire de Dimechaux. C'est une trahison des promesses du chef de l'Etat. Au lieu de relance, c'est la locomotive qui disparaît.» Xavier Bertrand, le président de Région, complète : «Il ne faut pas que MCA ferme ou devienne une coquille vide. C'est à Emmanuel Macron qu'il appartient l'honneur de faire vivre sa parole.» Benjamin Saint-Huile, le président de l'agglo, refuse de rentrer dans le schéma proposé par la direction de Renault : «Il ne faut pas enfermer la décision entre Douai et Maubeuge. Renault est capable de faire un plan de réorganisation Monde pour nourrir Douai.» Car Maubeuge ne se laissera pas déshabiller.