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Reportage

Chez Madame Arthur, des «créatures» font vivre le cabaret à distance

Déconfinementdossier
Pour maintenir ses performances pendant la crise du Covid, le célèbre cabaret de Montmartre fait payer 10 euros à ses fidèles pour regarder le show en visio.
Au cabaret Madame Arthur, samedi. (Photo Marie Rouge pour Libération )
publié le 1er juin 2020 à 17h45

Un nouvel accessoire a fait son entrée sur la scène de Madame Arthur, le célèbre cabaret du XVIIIe arrondissement parisien. Il s'agit d'un écran géant sur lequel on aperçoit, chacun logé dans son petit carré, l'ensemble des spectateurs de ce samedi soir. En effet, depuis le 9 mai, Madame Arthur retransmet, chaque week-end, un spectacle en live sur Internet pour continuer à assurer le show. Quelques minutes avant le début, l'équipe d'une dizaine de personnes s'affaire à régler les derniers problèmes techniques.

Les horaires et le programme de cette scène mythique de Montmartre, ouverte en 1947, restent inchangés. Les tenues sont toujours aussi flamboyantes et les «créatures» travesties toujours aussi drôles. Mais le spectacle a été «hyper compliqué» à mettre en place reconnaît Fabrice Laffon, directeur du Divan du monde, le club parisien qui accueille le cabaret depuis cinq ans. «Nous ne sommes pas beaucoup à produire quelque chose de ce genre et ce n'est pas pour rien», glisse celui qui a mis dans ce spectacle «l'énergie du désespoir».

Tout au long du spectacle, différentes personnes se relaient sur Zoom.

Photo Marie Rouge pour Libération

«Cœur et aubergine»

Juriji der Klee, Morian, Soa de Muse et Grand Soir font leur entrée dans la salle. Il n’y a que les artistes qui ne portent pas de masque. Pendant ce temps, Mélodie Braka, la directrice de la communication, s’affaire derrière son ordinateur. Son rôle est indispensable : faire le lien entre spectateurs et artistes. Ce samedi, une centaine de personnes ont payé 10 euros pour suivre le live en direct sur le site de Madame Arthur. Ils peuvent également rejoindre une conversation Zoom pour interagir avec l’équipe du cabaret.

Il est 21 heures et le spectacle commence par une introduction enregistrée quelques jours avant. Le thème de la soirée ? Starmania. «Je dois regarder quelle caméra ?» commence avec malice Soa de Muse, avant d'inviter les spectateurs à envoyer des émojis «cœur et aubergine». A l'écran, deux hommes d'une quarantaine d'années envoient des baisers à leur ordinateur, tout contents d'avoir été mis en plein écran. Tout au long du spectacle, différentes personnes se relaient sur Zoom. Un groupe de jeunes filles sur un balcon, une mère et sa fille en direct de Madrid, et même un yorkshire nain accèdent tour à tour à leur moment de gloire. «C'est très difficile de chanter devant des caméras en plastique», se désole Morian. Lorsqu'un spectateur leur demande ce qui leur manque le plus, les créatures du cabaret répondent «le public», en mimant des pleurs.

Morian.

Photo Marie Rouge pour Libération

«Nous n’avons pas eu d’aide»

Si ce spectacle attire une clientèle de fidèles et de curieux, elle reste bien différente des 1 500 personnes par week-end que le Divan du monde accueille en temps normal. «Financièrement ce n'est pas évident, on ne peut pas amortir les coûts», confie Baptiste Antonetti, le directeur d'exploitation. «On a créé un chômage partiel pour nos artistes alors que, normalement, en tant qu'intermittents, ils n'y ont pas le droit», explique-t-il. «Nous ne savons pas si notre concept tient la route, confirme Mélodie Braka, et pour l'instant nous n'avons pas eu d'aide.»

Le spectacle se termine en fanfare avec une interprétation collégiale de la chanson "le Bibi". Mais la soirée n’est pas finie, et un blind-test de chansons françaises prend le relais. A gagner : deux places pour l’Olympia, où Madame Arthur se produira en novembre. Si tout se passe comme prévu.

Photo Marie Rouge pour Libération