«On a laissé mourir nos vieux», avait-il dénoncé, évoquant la «bérézina» du gouvernement et sa tentation de «l’autoamnistie». Très critique de l’action de l’Etat face à l’épidémie de Covid-19, le député Les Républicains Eric Ciotti sera, sauf surprise, le rapporteur général de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de la crise, installée ce mercredi à l’Assemblée nationale. Ce poste-clef revient de droit au premier parti d’opposition de l’hémicycle, la présidence de la commission ayant été attribuée à la députée LREM Brigitte Bourguignon. Chargé de rédiger les conclusions de la commission, le rapporteur bénéficie de pouvoirs étendus d’enquête, qui l’habilitent à réclamer «tous les renseignements de nature à faciliter» sa mission, et la plupart des documents officiels.
«Nous allons proposer qu'Eric Ciotti soit rapporteur général», a annoncé mercredi matin le président des députés LR, Damien Abad. Ce dernier, qui avait lui-même envisagé d'occuper la fonction, sera finalement l'un des quatre vice-présidents de la commission. «Il est important qu'on ait quelqu'un dans le bureau, en l'occurrence moi» pour participer à l'élaboration de la liste des auditions, a-t-il expliqué, et «éviter les problèmes de l'affaire Benalla». A l'été 2018, celle-ci avait rapidement capoté, majorité et opposition s'opposant sur les personnalités à auditionner dans cette affaire très délicate pour le pouvoir. Le corapporteur LR Guillaume Larrivé en avait claqué la porte, dénonçant une «parodie» d'enquête.
Avec Ciotti, LR désigne un élu familier du fonctionnement des commissions d'enquête, lui qui en avait présidé une l'an passé sur «les dysfonctionnements ayant conduit à l'attaque de la Préfecture de Paris». Le choix récompense aussi l'un de ces élus LR «que l'on a beaucoup entendu pendant la crise, pendant que pas mal d'autres faisaient le dos rond» à droite, selon une source interne.
Calendrier «dense»
Voulue par Les Républicains, cette nouvelle commission d'enquête prend la suite de la simple «mission d'information» installée début avril et qui doit présenter mercredi un «rapport d'étape». Composée d'une trentaine de membres issus de la majorité et des oppositions, la commission d'enquête pourrait commencer ses auditions mi-juin. Ses investigations couvriront un «champ large», selon Abad, touchant aussi bien à la «stratégie de prévention», au système hospitalier ou au «volet économique et budgétaire». Mais les députés LR, a-t-il prévenu, se montreront particulièrement vigilants au sujet des masques, de la situation des Ehpad et des tests de dépistages. Installée pour six mois maximum, la commission devrait se fixer un calendrier «dense» d'auditions, pour en réaliser le plus grand nombre possible avant les vacances d'été.
A lire aussiLes politiques dans le box du Covid
Davantage que par la mission d'information, l'exécutif pourrait être bousculé par une commission d'enquête voulue par sa principale opposition, et dont le futur rapporteur l'avait accusé de n'avoir «pas dit la vérité» sur les stocks de masques. Ces dernières semaines, Damien Abad s'est bien efforcé de déminer le terrain, assurant ne pas vouloir d'un «tribunal populaire», ni pointer «la responsabilité de tel ou tel ministre».
Caractère
«On veut éviter un Benalla bis, et que l’Assemblée soit à nouveau dans une situation d’échec», a-t-il répété mercredi. Promettant notamment de ne pas faire de l’enquête «une bataille municipale», alors que le Premier ministre, Edouard Philippe, et l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, tous deux susceptibles d’être auditionnés, sont en lice au Havre et à Paris respectivement. La seconde le sera à coup sûr, mais quand «les municipales seront passées», a assuré Abad, qui souhaite aussi entendre «l’ensemble des ministres de la Santé» depuis 2011 – une fourchette qui inclurait l’ex-LR Xavier Bertrand. Les autres députés LR sont «tous dans cette volonté» constructive, a poursuivi Abad… mais «chacun avec son caractère». De ce point de vue, le style Ciotti pourrait s’avérer «très différent de celui Damien», concède une source parlementaire. Vis-à-vis de l’exécutif, le président du groupe s’est montré ces dernières semaines plus indulgent que la plupart de ses camarades, soucieux, pour beaucoup, de démontrer l’incurie gouvernementale. A la commission d’enquête de l’Assemblée s’ajoutera, vers la fin du mois, celle du Sénat, a confirmé mercredi son président Gérard Larcher. Celle-ci sera présidée «sans doute par le président de la commission des affaires sociales», le sénateur LR Alain Milon.