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Overdose

Hydroxychloroquine : «The Lancet» plus sûr de rien

La revue scientifique prend ses distances avec l'étude publiée dans ses pages le 22 mai qui attestait de l'inefficacité de l’hydroxychloroquine.
Pilules d' hydroxychloroquine. (John Locher/Photo John Locher. AP)
publié le 3 juin 2020 à 17h46
(mis à jour le 3 juin 2020 à 18h45)

L'étude de la revue scientifique The Lancet sur l'hydroxychloroquine serait-elle en train de perdre sa crédibilité ? Mardi soir, la célèbre revue médicale britannique a elle-même exprimé des doutes vis-à-vis de l'article publié dans ses propres pages vendredi 22 mai. Cette prise de distance a été formellement adressée par le biais d'une «expression de préoccupation», une petite note dans laquelle The Lancet alerte ses lecteurs «sur le fait que de sérieuses questions scientifiques ont été portées à son attention».

Pour rappel, l'étude en question, dite «observationnelle» (l'analyse des dossiers médicaux de 96 000 patients répartis dans 671 hôpitaux dans le monde) concluait à l'inefficacité de la molécule et constatait, par ailleurs, une hausse de la mortalité et une augmentation des arythmies cardiaques associées à l'usage de ce traitement. A la suite de sa publication, l'Organisation mondiale de la santé avait choisi de suspendre «temporairement» les essais cliniques menés sur l'hydroxychloroquine avec ses pays partenaires. Une pause qu'elle vient de clore ce mardi en indiquant la reprise des expérimentations après l'analyse des «données disponibles sur la mortalité» par les membres du comité de sécurité. «Il n'y a aucune raison de modifier le protocole», a fait savoir le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

La France, de son côté, avait également décidé de donner suite en abrogeant les dispositions dérogatoires qui autorisaient jusqu'alors la prescription de ce traitement en milieu hospitalier. La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, vient d'annoncer ce mercredi que le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait demandé en fin de semaine dernière à la rédaction du Lancet «une relecture des données brutes» de cette étude de plus en plus critiquée.

«Audit indépendant sur la provenance et la validité des données»

Le 28 mai déjà, The Lancet avait publié un premier texte pour tenter de répondre aux interrogations exprimées par 120 scientifiques du monde entier. Dans une lettre ouverte, ces derniers exprimaient des «inquiétudes liées à la méthodologie et à l'intégrité des données», et dressaient toute une série de points problématiques, notamment les incohérences des doses d'hydroxychloroquine administrées aux patients d'Amérique du Nord, les mauvaises informations recueillies concernant le nombre de morts en Australie ou encore le refus des auteurs de l'étude de donner le détail des données brutes – données émanant de l'entreprise américaine (controversée) Surgisphere, qui se présente comme une société d'analyse de données de santé et qui assure que les accords avec les hôpitaux partenaires lui interdisent de partager ce genre d'informations.

Dans son erratum de la semaine passée, The Lancet n'avait répondu que partiellement aux reproches, reconnaissant et modifiant son erreur de codage, sans pour autant remettre en question «les conclusions de l'article». Pour ce qui concerne la transparence des données (qui permettrait à la communauté scientifique de vérifier la qualité des analyses portées par le professeur Mehra et ses trois collègues), la nouvelle note fraîchement publiée par la revue rappelle qu'un «audit indépendant sur la provenance et la validité des données a été commandé par les auteurs non affiliés à Surgisphere», et que les résultats sont «attendus très prochainement». Un retournement de situation dont s'est tout de suite réjoui le chercheur français Didier Raoult, principal promoteur du traitement à l'hydroxychloroquine contre le Covid-19. «Le château de cartes s'effondre», a-t-il réagi ce mercredi sur Twitter. Le professeur marseillais devrait s'en faire largement écho lors de son intervention ce mercredi soir sur BFM.