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Les Le Pen et de Gaulle : de la haine à la récup

Marine Le Pen publie ce jeudi un vibrant hommage au général de Gaulle, loin pourtant de l'histoire de son parti qui s'est construit en opposition au gaullisme.
Le général de Gaulle, lors de son discours du 04 juin 1958, à Alger. (AFP)
publié le 4 juin 2020 à 17h45

Marine Le Pen n'a pas choisi la meilleure date pour publier son vibrant hommage au général de Gaulle dans la Revue politique et parlementaire. Le 4 juin 1958, le patron de la France libre qui venait d'être investi président du Conseil quelques jours plus tôt, lance du balcon du Gouvernement général à Alger sa fameuse phrase à la foule massée sur le forum : «Je vous ai compris !»

Homme à abattre

Une formule lourde d'ambiguïtés puisqu'elle pouvait aussi bien s'adresser aux pieds-noirs, ces Français d'Algérie partisans de «l'Algérie française» qu'à la population colonisée. La suite des événements montrera qui elle concernait. Elle va surtout alimenter l'hostilité des Français d'Algérie à l'encontre du fondateur de la VRépublique qu'ils accusent de les avoir trahis. Avec l'OAS (Organisation de l'armée secrète), les activistes de l'Algérie française se lancent dans une ultime bataille perdue d'avance. De Gaulle devient alors l'homme à abattre. Au sens propre comme au figuré. Le 22 août 1962, un groupe d'ultras commandé par le colonel Jean Bastien-Thiry tire sur la voiture du Général. Les franges les plus radicales de la droite française dont Le Pen et quelques-uns de ses compagnons de route, notamment Roger Holeindre, se retrouvent soudés par ce combat pour l'Algérie française et par un violent anti-gaullisme. Dans ses mémoires, Le Pen écrit sur de Gaulle que celui-ci «reste une horrible source de souffrance pour la France».

Incarnation du souverainisme

Quand se crée le Front national en 1972, parmi ses fondateurs se trouvent bon nombre d’anciens de l’OAS. La figure du patron de la France libre n’y était alors pas en odeur de sainteté. Mais l’Algérie n’est pas la seule raison de cette opposition à l’homme de Londres. Parmi les pères fondateurs du FN figuraient également d’anciens nostalgiques Vichy, des admirateurs du maréchal Pétain et quelques anciens collabos non repentis.

Pour la présidente du Rassemblement national, ce virage vers Colombey-les–Deux-Eglises, n'est pas franchement nouveau. Il avait été amorcé quand Florian Philippot était numéro 2 du parti et pesait d'une grande influence sur sa présidente. «Le gaullisme est dans mon ADN, avait-il revendiqué en novembre 2017 avant d'aller fleurir la tombe du général de Gaulle. Si Marine Le Pen tente de s'accaparer cette grande figure et son héritage politique, comme Emmanuel Macron d'ailleurs, c'est qu'il est pour elle l'incarnation du patriotisme et du souverainisme en même temps que le visage de la pérennité de la France. Tout ce qu'elle prétend à son tour incarner. Qui aurait imaginé le général de Gaulle loué par un Le Pen ?