Il faut bâtir les villes à la campagne : le vieux rêve d’Alphonse Allais trotte depuis longtemps dans la tête des citadins français. Fuir les grandes villes, leur fracas, leurs tracas, leurs fumées, mais trouver au milieu de la verdure les avantages du bitume : un emploi, une vie sociale, des services publics en état de marche, des équipements culturels, etc. Enfermés pendant deux mois, de nombreux urbains ont vécu douloureusement l’épreuve de l’urbanité forcée ; d’autres, confinés loin des centres, ont découvert la commodité du télétravail, même s’ils en ont aussi éprouvé les inconvénients. Du coup, le vieux rêve trouve une seconde jeunesse. Le rat des villes se prend à jalouser le rat des champs.
Ils seront sans doute nombreux, dans les prochaines années, à battre la campagne à la recherche d’une vie plus équilibrée. Mais pas assez nombreux pour inverser les tendances. Plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes et tous les spécialistes prédisent la poursuite de cette urbanisation, rapide dans les pays émergents, plus lente dans les pays riches, où souvent plus des trois quarts des habitants sont déjà citadins. La ville concentre les emplois, les centres administratifs et politiques, les lieux culturels et les espoirs de promotion sociale. La concentration de la population, source de nuisances, laisse néanmoins libres de vastes espaces ruraux, pour l’agriculture, la prairie ou la forêt.
Dès lors, à côté des «rurbains» qui croîtront et se multiplieront, il faudra aussi inverser la maxime d’Alphonse Allais : introduire la campagne dans les villes, grâce aux espaces verts, aux circuits courts, à l’arborisation des rues, à la végétalisation des immeubles, au recul de l’automobile. C’est un des grands thèmes des municipales dont le second tour approche. Changer de vie en quittant les grandes cités ou changer la ville pour l’humaniser. Au fond, les deux vont de pair.