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Libération
Reportage

A Saint-Denis, «on est comme des morts-vivants»

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La crise sanitaire a aggravé les inégalités et accentué la précarité des plus fragiles. Sous le pont de la Maltournée, en Seine-Saint-Denis, un camp informel s’est formé, composé d’hommes que le confinement a privés de revenus déjà sommaires.
Les effectifs du camp au bord du canal Saint-Denis ont triplé depuis le confinement. Le 14 mai, un occupant, Jamal, s’est noyé. (Photo Stéphane Lagoutte.Myop)
publié le 7 juin 2020 à 18h46

Le 14 mai, Jamal est mort noyé dans les eaux du bassin de la Maltournée, à Saint-Denis, à l'ombre du Stade de France. Cet Algérien originaire de Tizi Ouzou avait 35 ans et vivait en France depuis un an et demi, sans papiers, mais pas sans travail. Jusqu'au début du mois de mars, il bossait dans une boîte de nuit. Le confinement oblige l'établissement à fermer ses portes : Jamal se retrouve vite privé de ressources. Sans logement, il passe régulièrement rendre visite à des amis qui habitent sous le pont de la Maltournée. Une quinzaine de tentes alignées au bord du canal Saint-Denis, laissant un étroit passage d'une quarantaine de centimètres entre les toiles et l'eau. «Il est arrivé quelques jours après moi, se souvient Khaled, un Tunisien de 32 ans, lui aussi mis à la rue - «temporairement», insiste-t-il - par la crise sanitaire et ses conséquences sociales. Il a regardé les lieux et vu que les personnes vivant ici n'étaient ni des clochards ni des gens dangereux.»

Bougies

Atef, originaire de Sfax en Tunisie : «Je ne connaissais Jamal que depuis deux semaines, mais il avait bon cœur.» Menad était là lors du drame. «C'était une journée dégueulasse, le vent, la pluie. En début d'après-midi, une petite fille a fait tomber son ballon à l'eau. Jamal a voulu le récupérer.» Il marque une pause : «On ne peut pas échapper à son destin.» Adel, 51 ans : «Il a enlevé son tee-shirt, son pantalon, et a plongé. Il a nagé, nagé, et alors qu'i