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Interview

Unité SGP Police : «Enseigner d’autres méthodes d’intervention ? Nous n’en avons pas les moyens humains»

Violences policières, une colère mondialedossier
Pour Yves Lefebvre du syndicat Unité SGP Police, le ministre de l’Intérieur s’est contenté d’un effet d’annonce.
Au moins 20 000 personnes ont manifesté le 2 juin à Paris en écho à la mobilisation en hommage à George Floyd. (Photo S. Lagoutte. Myop)
publié le 8 juin 2020 à 20h51

Yves Lefebvre est secrétaire général du syndicat majoritaire Unité SGP Police. Il réagit, pour Libération, à la conférence de presse du ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.

Le ministre de l’Intérieur assure que «chaque soupçon avéré d’actes ou de propos racistes» de la part d’un policier ou d’un gendarme fera l’objet d’«une suspension systématique». Ce n’était pas le cas jusqu’à présent ?

Logiquement, ça devrait déjà l'être… Sauf à dire que nous avons quelques cas, comme à Rouen, où la hiérarchie locale a failli. Les faits datent de l'automne 2019 et l'affaire n'est toujours pas résolue. Il faut remettre de vrais chefs au sein de la police à la place de ceux qui ont vocation à l'être seulement pour le tiroir-caisse. Néanmoins, je souligne qu'on parle «d'actes ou de propos avérés», il faut donc faire preuve de discernement. Mais sinon, cette mesure de suspension s'impose, cela va de soi. Nous devons montrer que la police n'accepte pas d'avoir en son sein des personnes racistes et que nous sommes là pour protéger nos concitoyens quelles que soient leurs origines. Mais ne jetons pas l'opprobre sur toute la profession : on recense 0,05 % de cas d'interventions avec des signalements à l'IGPN.

La méthode d’interpellation de la «clé d’étranglement», très controversée, comme celle du plaquage ventral, sera désormais interdite. Estimez-vous que c’est une bonne chose ?

Si Castaner propose une autre technique d’interpellation pour la remplacer, pourquoi pas. Mais demain, comment va-t-on faire pour interpeller une personne qui prend la fuite, refuse d’être maîtrisée et menottée ? Je ne sais pas par quoi cette technique - efficace et malgré tout protectrice pour l’individu intercepté - va être remplacée. Enseignée depuis des décennies, elle est malheureusement de plus en plus utilisée parce que de plus en plus de gens tentent de se soustraire aux contrôles de police. Tant qu’on n’a pas quelque chose pour la remplacer, sa disparition est inenvisageable. Le ministre de l’Intérieur pense qu’en un claquement de doigts, les moniteurs vont être formés à enseigner d’autres méthodes d’intervention ? Nous n’en avons pas les moyens humains. Aujourd’hui, Castaner n’a pas parlé à ses policiers, mais aux collectifs qui sont dans la rue depuis la semaine dernière. On est uniquement dans l’annonce politique, dans l’urgence…

Quant aux contrôles d’identité, dont le ministre a rappelé le cadre et martelé qu’ils ne devraient plus être un «critère d’évaluation d’activité», vous trouvez en revanche qu’un progrès est fait…

C’est peut-être la seule chose de bien dans ses annonces car, aujourd’hui, si un policier veut être bien noté, il faut qu’il fasse des contrôles d’identité à tour de bras. Je me félicite qu’on ne fasse plus de ces contrôles un indicateur d’activité, parce que le boulot du fonctionnaire de police ne peut pas être placé sur l’autel de la rentabilité. L’un des principaux fléaux, de nos jours, dans cette rupture avec la population, est cette politique des chiffres qui n’est toujours pas supprimée.