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Libération
Éditorial

Paroles

publié le 8 juin 2020 à 20h51

Racisme d'Etat ? Il faut récuser cette formule sommaire, confuse, injurieuse pour tant de fonctionnaires - y compris dans la police - qui luttent précisément contre les préjugés raciaux, les excès de pouvoir et les discriminations. La France, même si elle est responsable de beaucoup d'injustices, n'est pas les Etats-Unis, on l'a dit souvent. Pourtant le malaise est là, et il n'est pas seulement le fait d'une militance fiévreuse. Il n'est pas non plus limité à telle ou telle «communauté». On voit bien que les manifestations de ces derniers jours réunissent des protestataires de toutes origines, indignés par les excès policiers. Pour une bonne raison : les mauvais rapports entre police et population ne concernent pas seulement les quartiers populaires où résident beaucoup de Français noirs ou arabes. Ils ont marqué les manifestations de gilets jaunes ou encore les défilés syndicaux. La tragédie récente qui a causé la mort de Cédric Chouviat dans le VIIe arrondissement de Paris, à la suite d'un «plaquage ventral», ne ressortissait pas d'une quelconque hostilité ethnique. Dans ce contexte, dramatisé par la mort de George Floyd, la réponse du gouvernement français est-elle à la hauteur ? Non. Il est bon d'interdire «l'étranglement» (étrange vocabulaire : il était donc permis d'étrangler un contrevenant ?). Mais c'est le «plaquage ventral» qui est en cause, lequel peut aussi conduire à un étouffement. Aussi bien, il est juste de condamner propos et actes racistes, tels qu'on a pu en constater ces derniers jours ou de réfléchir à une meilleure indépendance des instances de surveillance de la police. Mais la question centrale des «contrôles au faciès» n'a pas été vraiment traitée. L'instauration d'un «récépissé», qui peut éviter à la même personne d'être contrôlée à répétition, a été éludée. Bref, on a entendu des bonnes paroles (c'est mieux que des mauvaises) et des promesses. Il y manque les actes.