«I can't breathe», «Nous sommes tous George Floyd» ou encore «Le racisme m'étouffe», peut-on lire sur les pancartes tenues par les manifestants. Alors que les skateurs enchaînent inlassablement leurs figures, la place de la République, lieu choisi par SOS Racisme pour rendre hommage à George Floyd, se remplit. Au pied de la statue, ils sont plusieurs milliers à s'être donné rendez-vous ce mardi, 18 heures, au moment où a lieu au Texas l'inhumation de cet homme noir de 46 ans, tué lors de son interpellation par la police de Minneapolis.
Personnalités politiques
Toléré par les autorités, le rassemblement s’est déroulé sans la présence visible des forces de l’ordre. Les fourgons et camions antiémeutes de la police nationale sont restés garés plus loin, rue du Temple et boulevard Magenta.
Sur la place de la République, ce mardi.
Photo Marguerite Bornhauser pour
Libération
La foule du soir est moins jeune que lors des précédentes manifestations contre les violences policières. Comme le remarque Louise, 21 ans, qui observe que la foule est composée de personnes «plus blanches et plus âgées» que lors du rassemblement devant le Tribunal de Paris le 2 juin qui mobilisé plus de 20 000 personnes à l'initiative du comité Vérité et justice pour Adama. «L'appel a été moins relayé sur les réseaux sociaux, dit-elle aussi. Mes parents m'ont averti. Le rassemblement de mardi était historique et fort. Là, c'est différent.» Plus que les écriteaux Black Lives Matter, de nombreux drapeaux de la CGT du Parti communiste ou d'organisations étudiantes flottent dans le ciel parisien. De nombreuses personnalités politiques de la gauche, tels Olivier Faure, Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon ont aussi pris part à la manifestation, qui a rassemblé quelque 5 000 participants selon SOS Racisme.
Front désuni
Le rassemblement a été décrit comme une «tentative de récupération» lors de la conférence de presse tenue par le comité Vérité et justice pour Adama, qui assure ne pas avoir été contacté par SOS Racisme, et qui appelle de son côté à une mobilisation nationale samedi. Pour Aline Kremer, membre du bureau national de SOS racisme qui distribue dans la foule des autocollants «Touche pas à mon pote» : «Evidemment qu'on soutient la mobilisation autour de la famille d'Adama Traoré, pointe la militante. Mais pas tous les propos, comme ceux sur le racialisme et l'indigénisme.» Anne-Sophie, 31 ans, qui ne s'est pas rendue au rassemblement de mardi devant le tribunal de Paris, abonde : «Je me sens plus proche des associations antiracistes comme SOS Racisme. Mais c'est dommage que les mouvements ne soient pas unis.» Pour elle, ce qui s'est passé aux Etats-Unis «fait écho, dans une moindre mesure, à la situation en France».
Les manifestants se sont agenouillés pendant 8 minutes 46.
Photo Marguerite Bornhauser pour
Libération
La mobilisation du soir a également divisé au sein des gilets jaunes. Certains ont trouvé le rassemblement «trop politique», d'autres ont tenu à montrer leur soutien. Jamel, en live sur son téléphone et sans son gilet, refuse «d'oublier les victimes» : «Ça concerne ce qu'on dénonce depuis un an et demi. Que ce soit organisé par SOS Racisme, le comité Adama ou bien d'autres collectifs de victimes, notre place est d'être au côté de ceux qui luttent contre les violences policières.» Au micro, Ibrahim Sorel Keita, vice-président de SOS Racisme, salue un «élan sans pareil» qui ne doit pas retomber : «Un homme noir qui meurt, c'est l'affaire de tous. Ce n'est pas une question de couleur de peau. C'est une question de dignité et de citoyenneté.» «We Shall Overcome», un des hymnes qui a vertébré les marches des militants pour les droits civiques aux Etats-Unis est entonné par les artistes Camélia Jordana, Jeanne Added et Pomme. Puis la foule s'agenouille pendant 8 minutes 46, dans un dernier hommage à l'Américain mort il y a deux semaines.