Fin mai. Dans un Metz encore confiné, au petit matin, les rues sont vides, à part des jeunes et quelques SDF qui traînent devant la gare au trafic ferroviaire épars. Daniel Trichelair, 62 ans, habite à quinze minutes en voiture, à La Maxe, petit village le long de l'A31, direction le Luxembourg. Le pavillon des années 70 est presque le dernier de la rue, juste avant les champs. Le Mosellan est un rescapé : tombé malade du coronavirus, il a été plongé dans le coma et s'est réveillé dix-neuf jours plus tard en Allemagne, entre hallucinations et soulagement. Désormais guéri, il nous accueille avec Annie, sa femme, assistante maternelle, petite blonde menue, trente-huit ans de mariage. La moustache est gaillarde, la mine est bonne. «J'ai perdu dix kilos, mais que du muscle, regrette-t-il cependant, se tapotant la bedaine alors qu'il s'amuse à poser torse nu devant le photographe, dans le jardin, entre le barbecue et le potager. «Oh, il a déjà commencé à les reprendre», intervient sa compagne.
22 mars. Le Samu arrive devant la maison de Daniel Trichelair. Il ne veut pas se laisser emmener, râle contre sa femme qui les a prévenus. Elle : «Il avait beaucoup de mal à respirer mais il ne se rendait plus compte de son état.» Lui : «Ah, je me rendais pas compte.» Elle : «Il disait "il n'y a pas de soucis", et moi je voyais bien que ça n'allait pas.» Et on l'imagine très bien ralocher, dans l'un des gros s