Menu
Libération
Récit

Eglise : le dossier Ventura est-il judiciairement au point mort ?

Accusé d'agressions sexuelles à l'encontre de plusieurs jeunes hommes, Luigi Ventura, l'ancien ambassadeur du pape à Paris, est rentré à Rome en septembre 2019. Le parquet de Paris n'a toujours pas décidé des suites à donner aux plaintes déposées début 2019.
Luigi Ventura en décembre 2016, lors de la consécration et la célébration de la dédicace de la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité, à Paris. (Corinne SIMON/CIRIC/Photo Corinne Simon.Ciric)
publié le 10 juin 2020 à 19h19
(mis à jour le 15 juin 2020 à 9h48)

Est-ce l’effet du confinement qui a gelé l’activité judiciaire ? Est-ce le poids d’une affaire très délicate sur le plan diplomatique ? Le dossier impliquant l’ancien ambassadeur du Vatican en France Luigi Ventura semble embourbé. Ayant quitté ses fonctions en décembre, le diplomate est sous le coup d’au moins trois plaintes déposées à Paris, dont l’une émane d’un jeune séminariste qui a été contraint, par la suite, d’abandonner ses études.

«Pour le moment, nous n'avons pas été tenus au courant par le procureur de la République. Pourtant, je lui ai écrit en octobre 2019», regrette Me Yasmina Djoudi, l'avocate d'un des plaignants. Sollicité par Libération, le parquet de Paris n'a pas non plus donné suite.

Selon nos informations, l'enquête était toujours en cours mi-mai. «Cela fait plus d'un an et demi que celle-ci est ouverte. Il n'y a eu pas de mise en examen de Luigi Ventura, ni de saisie d'un juge d'instruction», commente Me Djoudi.

Même si Luigi Ventura était renvoyé devant un tribunal, il n'est pas certain que le procès ait lieu en France. Le Vatican – un Etat qui dispose de ses propres tribunaux – pourrait demander à le juger lui-même. «Les victimes sont françaises et les faits ont été commis sur le sol français. Je ne vois comment le procès pourrait avoir lieu ailleurs qu'en France», s'insurge Me Djoudi.

Immunité diplomatique levée

Signe de la tolérance zéro promue par le pape François en matière d'abus sexuels, le Vatican avait pris une décision historique, début juillet 2019, en levant l'immunité diplomatique de Luigi Ventura, ouvrant ainsi la possibilité de poursuivre l'enquête judiciaire dans l'Hexagone. Des expertises psychiatriques et neurologiques devaient avoir lieu à l'automne 2019. Mais il est entre-temps reparti en Italie.

En 2016, Luigi Ventura avait été opéré d’une tumeur au cerveau. Dans les rangs des plaignants, la crainte était qu’il ne se réfugie derrière un argument médical pour justifier des agressions. Lors de son audition par la police française au printemps 2019, le diplomate du Vatican avait nié les faits et dénoncé un complot mené contre lui.

A la fin de l'été 2019, Luigi Ventura avait regagné Rome et s'était installé dans un spacieux appartement à quelques centaines mètres de la place Saint-Pierre. Plusieurs nonces à la retraite résident dans cet immeuble, propriété du Vatican.

En poste auparavant à Moscou, Celestino Migliore, le successeur de Ventura, a pris ses fonctions en mars à la nonciature de Paris, l’un des plus prestigieuses de la diplomatie vaticane.