Un chômage partiel dans lequel le salarié toucherait à peine les deux tiers de sa rémunération nette ? L'option est sur la table, à en croire les Echos ce jeudi, alors que le gouvernement et les organisations syndicales et patronales ont entamé cette semaine une série de discussions autour de l'évolution de ce dispositif aidant les entreprises à traverser la crise économique découlant du confinement. De fait, le ministère du Travail estime qu'il est temps de lever le pied après un recours massif à cette mesure pour endiguer une explosion du chômage : selon les estimations de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), près de 8,6 millions de salariés auraient été placés en chômage partiel en avril, au plus fort du confinement. Depuis le 1er juin déjà, les entreprises y recourant ne sont plus indemnisées par l'Etat qu'à hauteur de 60 % du salaire brut de leurs salariés concernés, contre 70 % auparavant (soit environ 84 % du net dans la limite de 4,5 smic). Charge à elles de mettre au bout pour que la rémunération perçue par le travailleur soit toujours équivalente à environ 84 % de son net.
Selon les Echos, le ministère souhaiterait entrer dans une nouvelle phase dès le 1er juillet et jusqu'à la fin du quinquennat, avec des conditions d'indemnisation encore revues à la baisse. «Le schéma sur la table […] ferait basculer la part perçue par le salarié vers les 60 % de son net», avance le quotidien. Le voisin allemand ferait encore une fois figure de modèle à suivre, puisque ce taux d'indemnisation y est pratiqué. «On sent bien que l'idée est de nous amener, si ce n'est à nous aligner avec l'Allemagne, au moins à revoir à la baisse les conditions», confirme Yves Veyrier, le secrétaire général de Force ouvrière, qui participait mercredi à la première réunion rue de Grenelle.
«Une folie»
Pour l'heure, l'ensemble des syndicats s'élèvent contre une telle idée. «S'il est question de baisser la prise en charge pour les travailleurs dans les semaines et les mois qui viennent, c'est une folie !» s'est indigné Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, lors d'une visioconférence entre les dirigeants des principales organisations patronales et syndicales organisée par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis).
A la CGT, la secrétaire confédérale Catherine Perret rappelle que si son syndicat est favorable à une prolongation de l'aide au chômage partiel, c'est «évidemment avec une prise en charge à 100 % de la rémunération». «Les salariés ne sont pas responsables de la situation», souligne Yves Veyrier, ajoutant que si leur revenu baisse, ce ne sera pas le cas des frais nécessaires à leur existence : «On risque un effet récessif sur la consommation par effet de dominos.» Quelques dizaines d'euros en moins sur une fiche de paie, ce sont des projets de resto ou de vacances qui peuvent tomber à l'eau, au moment même où le gouvernement voudra soutenir le tourisme – les entreprises du secteur vont d'ailleurs continuer à bénéficier d'un chômage partiel indemnisé intégralement jusqu'en septembre.
Des «contreparties» négociées au niveau de l’entreprise
Pour sa part, le ministère «dément» auprès de Libération les informations des Echos, en insistant sur le fait que les discussions ne font que commencer. Mais la ministre, Muriel Pénicaud, a déjà considérablement déblayé le terrain ces dernières semaines pour préparer les salariés français à des baisses de rémunération. Sans toujours être très claire sur les dispositifs existants ou à l'étude. Fin mai, alors que des entreprises comme Ryanair ou Derichebourg affichaient leur volonté d'y recourir, elle défendait par exemple les «accords de performance collective», adoptés dans le cadre des ordonnances travail de 2017, qui permettent aux employeurs de modifier le temps de travail ou de rogner sur les salaires et les congés pour éviter des licenciements économiques. Tout en assurant que cela n'avait rien à voir dans l'«esprit» avec du «chantage» à l'emploi.
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Cette semaine sur France Info, elle en remettait une couche, en évoquant un «dispositif d'activité partielle de longue durée» dont le principe a récemment été inscrit dans la loi. Nommé ARME (pour «activité réduite pour le maintien de l'emploi»), il se distingue du chômage partiel «classique» en relevant, lui, d'un accord d'entreprise ou de branche. «Les salariés pourraient avoir une réduction du temps de travail qu'on compenserait en partie, a avancé la ministre. Bien sûr, il faut des contreparties, par exemple le maintien dans l'emploi et puis, s'il y a une baisse de salaire, peut-être qu'au retour, quand on sort de la crise, on fait plus d'intéressement.» Sauf que Muriel Pénicaud n'en démord pas : tout ceci, selon elle, doit se discuter au niveau de l'entreprise. Un échelon de négociation inenvisageable aux yeux de la CGT, qui appelle l'Etat à fixer les contreparties dans la loi : «Si une entreprise touche des aides et bénéficie d'un allongement du chômage partiel jusqu'en 2022, il ne doit pas pouvoir être question de licenciements», affirme Catherine Perret.