Un texte qui place les victimes dans «une situation d'incertitude et d'exposition au danger», un «recul stupéfiant des droits des femmes», voire un «une honte» : depuis quelques jours, de nombreuses associations de défense des droits des femmes, avocats spécialisés et personnalités politiques s'élèvent contre un décret du ministère de la Justice, paru dans la plus grande discrétion au Journal officiel le 27 mai, relatif à la délivrance des ordonnances de protection, procédure civile destinée à protéger les victimes de violences conjugales. Le texte vise à mettre en pratique une disposition prévue par la loi Pradié, adoptée à l'Assemblée nationale en décembre, qui fixe un délai maximal de six jours pour que soit délivrée une ordonnance de protection par le juge aux affaires familiales, contre quarante-deux jours en moyenne jusque-là. En vertu de ce décret, si la victime est la demandeuse d'une telle mesure de protection (et non le ministère public), alors ce sera à elle de convoquer l'agresseur présumé à l'audience par voie d'huissier dans un délai de vingt-quatre heures, sous peine de voir la procédure devenir caduque.
A l'Assemblée mardi, le député LR du Lot Aurélien Pradié, à l'initiative de la loi visant à mieux protéger les victimes de violences conjugales, a fustigé cette nouvelle disposition, estimant qu'elle «détruit une avancée majeure de notre loi». Il a interpellé la garde des Sceaux, Nicole Belloubet : «Vous imposez aux femmes victimes de payer la procédure et de convoquer elles-mêmes leurs bourreaux en vingt-quatre heures ! Vous rendez impossibles les ordonnances de protection. Une folie.» «La règle instaurée par le décret vient placer les femmes victimes de violences dans une situation d'incertitude et d'exposition au danger», ont réagi la Fondation des femmes, la Maison des femmes de Saint-Denis, le Planning familial, la Fédération nationale solidarité femmes et l'association Une femme, un toit.
Face à la bronca, Belloubet a reçu mercredi les acteurs concernés. A l’issue de cette rencontre, le ministère a fait savoir qu’il travaillait à un nouveau projet de décret. Selon cette nouvelle mouture, le délai pour notifier la procédure par voie d’huissier pourrait être porté à quarante-huit heures et les victimes pourraient bénéficier pour ce faire de l’aide juridictionnelle.