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Justice

LR : à Marseille, le proc se mêle des procurations

Le QG de Martine Vassal et deux permanences ont été perquisitionnés dans le cadre d’une enquête pour fraudes lors du premier tour des municipales.
Marseille, theâtre de la Joliette, le 6 février, présentation du programme de Martine Vassal. Avec de gauche a droite: Stéphane Soto, David Galtier, Martine Vassal, Frédéric Collart, Valérie Boyer, Joseph Arakel. (Photo Patrick Gherdoussi)
publié le 14 juin 2020 à 20h06
(mis à jour le 14 juin 2020 à 20h23)

La veille, la procureure de Marseille, Dominique Laurens, assurait n'avoir aucun «élément sur cette affaire». Mais dès le lendemain matin, samedi, deux permanences LR de la ville étaient perquisitionnées dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte sur de possibles fraudes aux procurations pour «faux et usages de faux», entre autres. Samedi après-midi, à deux semaines du second tour des municipales, le local de campagne de la tête de liste LR, Martine Vassal, était fermé, les volets clos.

Dans la foulée des enquêtes de France 2 et Marianne, la justice prend le relais dans une affaire qui pourrait être un nouveau tournant dans la campagne marseillaise après la deuxième place surprise de Martine Vassal, la favorite, au premier tour, distancée d'un point par sa concurrente, Michèle Rubirola, tête de liste de l'union de la gauche. Une élection serrée se jouant par secteur qui pourrait expliquer cette quête aux procurations tous azimuts. Quitte à prendre quelques libertés avec le code électoral ?

«Cabale»

En tout cas, l'enquête de France 2 diffusée jeudi montre qu'une simple signature en bas d'un formulaire au QG de Vassal suffit pour faire une procuration, selon une militante LR filmée en caméra cachée. Basé, lui, sur l'enregistrement d'une conversation téléphonique, un article de Marianne publié juste après relate une technique encore plus facile. Une colistière du secteur des 11e et 12e arrondissements propose à son interlocutrice un SMS pour faire une procuration : une photo de la carte d'identité recto verso et c'est bon. «Après, le commissariat nous poinçonne toutes les procurations qu'on leur amène», s'avance imprudemment Magali Devouge, adjointe à la culture de ce secteur. Même pas besoin de passer signer quoi que ce soit à la permanence du 11-12, laquelle a aussi été perquisitionnée samedi. Egalement citée par l'hebdo, Géraldine Lapalus, 19e sur la liste LR dans le 6-8, plus connue pour son rôle dans Camping Paradis que pour sa carrière politique, promettait de «s'occuper de tout» pour une «procuration simplifiée (sans vous déplacer, juste par téléphone)».

Après une première réaction - de fermeté - dans laquelle elle dénonçait des «faits inacceptables» et promettait «d'écarter de ses listes» ceux qui se seraient affranchis des règles, Vassal a vite changé de ton. «C'est une cabale montée par les journalistes parisiens. Ce ne sont pas [eux] qui vont faire l'élection à Marseille», s'est-elle emportée vendredi lors d'une visite de soutien aux forces de l'ordre.

Dans la foulée, ont commencé à apparaître sur les réseaux sociaux des captures de mail émanant d'autres membres des listes de la majorité sortante invitant des électeurs trop occupés pour aller voter le 28 juin à accorder leur confiance à LR pour faire leur procuration. Les mails ne sont pas signés par des seconds couteaux puisqu'on y retrouve Yves Moraine, 2e sur la liste de Vassal et actuel maire LR des 6-8. Dans une défense hasardeuse, cet avocat de profession, qui ne nie pas être l'auteur dudit mail, assure avoir cru bien faire, pensant que les procédures de vérification d'identité seraient assouplies avec la crise du Covid. Mais la préfecture a pris soin de rappeler ces procédures dans un communiqué.

«Vérifier»

C'est à Christophe Castaner directement que s'est adressé Stéphane Ravier, candidat RN, pour réclamer «un élargissement de l'instruction sur d'autres éventuelles infractions au code électoral». De son côté, Olivier Faure, patron du PS, dénonce «ce qui semble être une fraude électorale organisée» et demande au ministère de l'Intérieur «d'assumer l'entièreté de son rôle pour assurer la parfaite tenue de ces élections, à Marseille comme ailleurs».

Sur place, le Printemps marseillais de Rubirola est allé à la source, à la mairie centrale, pour vérifier le registre des procurations. Là, après une longue attente pour cause de «désinfection de la pièce de consultation», lui a été remis un listing de 4 595 procurations, y compris celles du premier tour, mais incomplet puisqu'il n'indiquait apparemment ni la date à laquelle elles avaient été faites ni l'identité de l'officier de police qui les avait établies. «On y retournera pour obtenir ce cahier avec toutes les mentions légales, et vérifier et encore vérifier, tous les jours s'il le faut», s'exclame Benoît Payan, candidat dans le 2-3 et porte-parole du Printemps. En fin de journée, la mairie a fait savoir qu'elle accéderait à cette demande. Outre l'implication de colistiers LR visiblement très motivés pour faire gagner leur camp, l'enjeu pour l'enquête va consister à établir avec quels appuis officiels ces procurations ont pu être validées.

En attendant, à LR, «on n'a pas eu de discussions depuis les perquisitions, on verra [ce lundi] matin, assure Yves Moraine des 6e et 8e arrondissements. Il faut faire face, dans les bons moments comme dans les mauvais.» Dans cet entre-deux-tours le plus long de l'histoire, celle qu'on désigne comme l'héritière de Jean-Claude Gaudin a continué sa campagne comme si de rien n'était ce week-end, avec une visite à la Pointe-Rouge, dans le 8e, où elle s'est intéressée au débarcadère des navettes en provenance du Vieux-Port. Plus tard dans le centre de Marseille, elle a déploré les «dégâts» après la manifestation contre les violences policières. L'occasion pour elle d'avertir encore et encore des dangers de «l'ultra-gauche aux portes de Marseille».