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Récit

Chez Derichebourg, la baisse de salaires ou la porte...

Déconfinementdossier
Plusieurs syndicats dénoncent l’accord de performance collective signé par FO et évoquent des «licenciements déguisés».
Des salariés de Derichebourg devant le siège de l’entreprise, vendredi à Blagnac. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)
par Stéphane Thépot, correspondant à Toulouse
publié le 15 juin 2020 à 19h56

La lutte continue chez Derichebourg à Blagnac. La filiale aéronautique de ce groupe international de services, surtout connu pour les camions qui ramassent les ordures à Paris, emploie 1 600 salariés qui travaillent en sous-traitance pour Airbus. Dans la ville rose, l'entreprise était surtout identifiée comme sponsor officiel du Stade toulousain. Mais contrairement aux joueurs de rugby, les petites mains de Derichebourg n'étaient pas nécessairement d'accord pour baisser leurs salaires afin de sauver leur entreprise. Un accord de performance collective ou APC, a été adopté vendredi par 10 voix contre 9 lors d'une réunion extraordinaire avec les syndicats organisée en visioconférence, alors que plusieurs centaines de personnes manifestaient devant les bureaux de l'entreprise à Blagnac.

Le syndicat Force ouvrière a accepté de signer cet accord très controversé qui va rogner les primes et le treizième mois des salariés, au nom de la défense de l'emploi. Près de 700 emplois étaient dans la balance, selon la direction et le syndicat, majoritaire dans l'entreprise. Mais les deux autres organisations syndicales (Unsa et CGC) ont refusé ce qu'elles considèrent comme un jeu de dupes. Pour Philippe Faucard, délégué Unsa, il s'agissait dès le départ d'un «chantage à l'emploi».

Tribunaux

Le délégué syndical, qui avait apostrophé Bruno Le Maire sur un plateau de télévision avant la présentation du plan de soutien du gouvernement à l’industrie aéronautique, n’en démord pas : la signature de cet APC est prématurée. Selon l’expertise comptable commandée par les syndicats, l’entreprise est certes affectée par la baisse de l’activité chez ses donneurs d’ordres mais grâce aux mesures de chômage partiel, les comptes de Derichebourg ne devraient pas passer dans le rouge avant septembre.

«Il fallait attendre le plan que le patron d'Airbus doit présenter d'ici la fin juillet», dit Philippe Faucard. L'Unsa a contacté des avocats pour contester l'accord devant les tribunaux. Il est également prévu de saisir la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (Direccte). «L'administration a le pouvoir de casser l'accord», fait valoir le syndicaliste, tout en admettant que ce serait exceptionnel.

Plusieurs centaines d’APC ont déjà été signés en France depuis l’adoption de la loi Pénicaud de 2019, mais celui de Derichebourg est l’un des premiers actés depuis la crise du Covid. Ses opposants internes vont désormais devoir se positionner individuellement pour ou contre l’APC.

Les salariés qui refuseront de signer la perte des primes négociées entre la direction et Force ouvrière iront pointer à Pole Emploi. «Ce sont des licenciements déguisés», dénonce Philippe Faucard, qui relève que le contrat a prévu des mesures spécifiques extralégales pour inciter les plus de 50 ans à partir. Difficile de savoir combien de salariés accepteront de reprendre le travail dans ces conditions.

A la maison

Sur les 1 600 salariés, 750 ont repris une activité à temps partiel. Les autres sont indemnisés pour rester à la maison. La demande de prolonger les mesures de chômage partiel pour les salariés de l’industrie aéronautique pendant un ou deux ans ne s’adresse visiblement pas aux entreprises de sous-traitance comme Derichebourg.

Le collectif des salariés non-syndiqués, qui revendique plus de 400 adhérents sur sa page Facebook, a d’ores et déjà lancé un appel à manifester ce mardi dans le centre de Toulouse, aux côtés des syndicats qui défileront pour la défense de l’hôpital et des services publics.