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Emploi, transports, pollution… ce que l'on sait de la France déconfinée

Déconfinementdossier
Depuis la levée du confinement, les difficultés perdurent dans le secteur de l'emploi, on observe une reprise de la pollution et des tués sur la route, et le vélo cartonne.
publié le 17 juin 2020 à 6h00

Pendant huit semaines, la France a été confinée, quasiment mise à l'arrêt. Depuis un mois, le cours de nos vies reprend progressivement. Déplacements, travail, santé, tout est-il vraiment revenu à «normale» ? Comme nous avions fait le point sur huit semaines de confinement, puis le bilan de santé du premier mois de déconfinement, passons en revue les autres indicateurs du déconfinement, en chiffres et en infographies.

L’heure du vélo

Parmi les grands changements qu'on peut espérer voir prospérer à l'issue du confinement : la pratique du vélo, plus conforme à la distanciation physique que les transports en commun, a nettement augmenté partout en France. D'ailleurs, le gouvernement a annoncé le triplement de l'enveloppe «coup de pouce», un forfait national de 50 euros pour réparer son vélo, la portant ainsi à 60 millions d'euros. Par ailleurs, de nombreuses villes ont mis en place des pistes cyclables temporaires afin de permettre à tous de se déplacer en sécurité (et une vingtaine de municipalités, comme à Marseille, ont déjà supprimé une partie de ces «coronapistes»).

Pour mesurer le succès des bicyclettes, l'association Vélos et Territoires a mis en place un observatoire temporaire sur le vélo et le déconfinement, qui s'appuie sur 182 compteurs représentatifs disposés dans plusieurs lieux de France. Elle explique dans son premier bulletin, publié le 20 mai, que lors de la semaine du 11 au 17 mai, la moyenne des passages de vélos a été 44% supérieure (notamment le week-end) à la période précédant le confinement. «Les grands gagnants de cette première semaine de déconfinement se trouvent en milieux périurbains (+138%) et ruraux (+197%)», ajoute la note qui précise toutefois que les volumes concernés sont largement inférieurs à la campagne.

A Paris, où plusieurs compteurs sont installés, 252 000 cyclistes ont été comptabilisés entre le 8 février et le 8 juin. La progression est nette puisque la moyenne horaire qui était de 42 vélos en février augmente fortement depuis la fin du confinement, passant à 54,5 en mai et 75,5 début juin.

Le travail en berne

Mis en lumière dès le 12 mars par Emmanuel Macron, le mécanisme du chômage partiel a été actionné par plus d'un million d'entreprises. D'après les chiffres du ministère du Travail, entre le 1er mars et le 9 juin, 13,3 millions d'employés ont été concernés par une demande préalable d'activité partielle qui peuvent devenir ensuite des demandes effectives d'indemnisation. 46% des cas sont relatifs à des structures de moins de 50 salariés et 34% à des entreprises de plus de 250 salariés. Les chiffres sont encore susceptibles d'être revus à la hausse ou à la baisse car les entreprises ont un délai d'un an pour déposer une demande effective d'indemnisation. De nombreuses alertes ont été lancées sur des mises en place potentiellement abusives de ce système par certaines entreprises.

Quant au nombre de chômeurs sans aucune activité (catégorie A), il a enregistré une hausse jamais vue depuis 1996 au mois d'avril : +843 000 personnes, pour atteindre 4,575 millions de chômeurs. Cela représente une hausse de 22,6%. Comme nous l'expliquions lors de la parution des données, «cette forte hausse s'explique surtout par le fort recul du travail en activité réduite qui remplit d'ordinaire un rôle d'amortisseur et qui à l'inverse s'est fortement restreint avec le confinement», les demandeurs d'emploi précédemment inscrits en activité réduite (B et C) ont donc été transférés en catégorie A pendant le confinement.

Au total, l'effectif des catégories A, B et C s'accroît de 209 300, soit +3,6%, ce qui constitue «la plus forte hausse mensuelle jamais enregistrée». Pour la première fois, la barre des six millions de chômeurs est franchie et les jeunes sont touchés de plein fouet. En avril, les moins de 25 ans étaient 149 800 de plus à n'avoir eu aucune activité durant le mois écoulé, soit une hausse de 29,4%.

Les inscriptions à Pôle Emploi, elles, sont à la baisse par rapport à la même période en 2019, notamment en raison «du faible nombre de sorties observé durant le confinement». Premier signe du déconfinement toutefois : les inscriptions de demandeurs d'emploi à des formations repartent à la hausse, se félicite le ministère.

La situation de l'emploi pourrait ne pas s'améliorer dans les semaines qui viennent, notamment en raison de plans sociaux massifs qui s'annoncent.

Les tués sur la route

Le mois d'avril entièrement confiné détient le record de la plus faible mortalité routière mensuelle avec 102 tués en France métropolitaine. En revanche, même si le mois de mai 2020 est moins meurtrier que mai 2019, la baisse n'est que de 15% alors que le confinement était appliqué pendant un tiers du temps, et que par ailleurs le télétravail était toujours encouragé, limitant le nombre d'usagers de la route.

Infographie bilan déconfinement : les tués sur la route

A titre de comparaison, le mois de mars à moitié confiné a vu une baisse de presque 40% des tués par rapport à l'année précédente. En revanche, bonne nouvelle, la baisse sur les accidents (-34%) est plus importante que celle des tués.

Même si le nombre de tués sur douze mois glissants a atteint en mai son plus bas niveau historique avec 2 962 victimes, il y a sans doute eu un relâchement au moment du déconfinement. Les cyclistes (+7%) et surtout les motards (+21%) sont les seuls usagers à avoir connu plus de morts d'une année sur l'autre. Selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), «les mortalités de jeunes de 18-24 ans et des seniors âgés de 65 ans et plus, sont équivalents à celles du mois de mai 2019, malgré dix jours de confinement au début du mois.»

Le trafic aérien sous perfusion

Alors que sur le plancher des vaches, le vélo prospère, l'aviation traverse une période de grosses turbulences. L'Etat français, qui a annoncé la réouverture des frontières dans de nombreux pays de l'espace Schengen le 14 juin, n'a pas hésité à mettre la main à la poche en accordant 15 milliards de prêts pour la filière aéronautique. La condition ? Des efforts sur son bilan carbone que les ONG de défense de l'environnement jugent bien insuffisants.

Infographie bilan déconfinement : trafic aéroports parisiens

Fermé depuis fin mars, l'aéroport d'Orly, qui n'a accueilli que des vols sanitaires ou gouvernementaux pendant le confinement, ne reprendra son activité que le 26 juin. Il accueillait habituellement autour de 200 vols par jour et environ 30 millions de passagers par an. Sa réouverture, initialement annoncée en septembre, a été avancée.

A Roissy-Charles-de-Gaulle, le premier aéroport de France avec plus de 70 millions de passagers par an, le trafic est passé de près de 500 vols quotidiens à moins de 30 avant de remonter autour d'une cinquantaine fin mai.

La pollution reprend son chemin

Entre le début de l'année 2020 et la mi-mai, et notamment grâce à la baisse du trafic routier, la qualité de l'air s'est améliorée en France. Les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre, ont, en moyenne, diminué de 6% par rapport à 2019, d'après les relevés de la Fédération des associations de surveillance de la qualité de l'air (Atmo). Les concentrations atmosphériques des oxydes d'azote (NOx), traceurs de la pollution routière, ou du monoxyde de carbone (CO) ont également baissé, «ce qui coïncide avec la chute d'activité anthropique», souligne Atmo. Des satellites d'observation de la Terre (notamment Tropomi dont on parlait ici) ont révélé une baisse significative des concentrations de dioxyde d'azote (NO2) coïncidant avec les mesures de quarantaine stricte. En revanche, les niveaux de particules fines sont restés stables, voire ont connu des épisodes de pic de pollution compte tenu de la diversité des sources d'émission de PM10 et PM2,5. En effet, ces particules ne sont pas rejetées que par les véhicules à moteur mais aussi par l'industrie, l'agriculture, le chauffage, les chantiers. Elles peuvent même avoir des origines naturelles comme les feux, les poussières du Sahara, les pollens ou l'érosion des sols.

Si Atmo a souligné dans un communiqué que préserver la qualité de l'air après le confinement était «un enjeu de santé publique», les bonnes nouvelles ne sont pas restées au rendez-vous après la fin du confinement.

Infographie bilan déconfinement : pollution Île-de-France

Comme on pouvait le craindre, la pollution de l'air, notamment en Ile-de-France, est repartie à la hausse. «Sur la période du 11 au 31 mai, la reprise progressive des activités, et particulièrement du trafic, a conduit à une remontée des quantités de polluants rejetés dans l'atmosphère pour les oxydes d'azote [polluant essentiellement émis par le trafic routier, ndlr] et les particules [PM10 et PM2.5] à des niveaux équivalents à 80% des émissions observées avant le confinement, et jusqu'à 90% pour le boulevard périphérique», explique Airparif. Même chose pour les émissions de CO2«avec une augmentation jusqu'à 80% des niveaux habituels», précise l'association. Cette remontée de la pollution a été observée par d'autres Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (Aasqa) régionales, comme en Nouvelle-Aquitaine où la pollution à l'ozone est forte, le niveau de particules désormais conforme aux normales de saison et où l'augmentation des concentrations de dioxyde d'azote, liées au trafic routier, a été «enclenchée une semaine avant le début du déconfinement, [et] s'est poursuivie au fil du déconfinement» pour atteindre «la fourchette basse des niveaux habituellement mesurés dans la région». Le constat est comparable en Paca : une remontée des NOx par rapport à la période du confinement mais «de l'ordre de 40% plus faible que les années précédentes à la même période».

Et la consommation ?

Comme en mars, la consommation avait continué sa «baisse historique» au mois d'avril. D'après les dernières données communiquées par l'Insee, les Françaises et les Français ont fait baisser leur consommation d'un tiers entre février 2020 et avril. Les achats de meubles et d'électroménager par exemple ont fortement reculé (-44,7% en mars puis encore -39,2% en avril). Les magasins étant fermés, les achats de vêtements ont également été réduits à la portion congrue avec une baisse de plus de 67%. Deux autres conséquences de l'immobilisme forcé : la consommation de fioul domestique a fortement augmenté pendant que celle de carburants a chuté lourdement.

Pendant cette période où la consommation a donc été mise entre parenthèses, les Français ont décidé de faire des économies : l’épargne des ménages est en très forte hausse (+16,4 milliards d’euros) précise encore l’Insee. Aucune donnée n’a, pour l’heure, été publiée par l’organisme permettant de savoir comment les consommateurs et consommatrices ont réagi au déconfinement et à la réouverture progressive des commerces depuis le 11 mai.