Non, vous n'avez pas sous les yeux les bonnes feuilles d'un de ces romans noirs qui laissent à l'imagination toute liberté pour raconter la vie et la mort dans ce qu'elles ont de plus cru, de plus sordide et même au-delà. Ce que nous vous racontons dans ces pages est bien pire, car c'est la réalité. La réalité trash de la façon dont certaines dépouilles ont été traitées par le centre du don des corps de Paris-Descartes des années durant et dans le plus grand silence. Révélé par l'Express en novembre, le scandale vient d'être confirmé par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui, dans un rapport publié le 13 juin, pointe la responsabilité directe de l'université dans l'affaire. Son président de 2011 à 2019 a d'ailleurs été, il y a quelques jours, démis de ses fonctions de conseiller spécial de la ministre de l'Enseignement supérieur.
Comment expliquer qu'une université de cette renommée puisse laisser s'installer dans ses entrailles ce que certains ont qualifié de véritable charnier ? Comment peut-on à ce point bafouer la générosité du don opéré par le mort du temps de son vivant pour faire avancer la recherche médicale ou scientifique ? Comment dédaigner avec un tel cynisme la souffrance de familles qui, pour certaines, ont longtemps cherché à comprendre ce qu'il était advenu du corps de leur proche ? C'est ce que nous avons voulu savoir, et notre enquête est effrayante, accablante. A ne pas laisser traîner sous les yeux de personnes trop sensibles. Ce scandale a au moins le mérite de braquer le projecteur et peut-être d'ouvrir le débat éthique sur un secteur méconnu, à la législation opaque, qui représente 28 centres de don à travers la France et autant de modes de gestion différents. «Un cadavre est presque toujours le dernier maillon d'une chaîne d'événements longue et complexe», écrivait le grand auteur suédois Henning Mankell dans les Chiens de Riga (1992). Raison de plus pour le traiter avec dignité.