Il faut longer la longue allée de bitume rose bordée d'arbres et passer plusieurs carrés de tombes bien rangées pour arriver à la division 102 du cimetière de Thiais, dans le Val-de-Marne. Apparaît alors une stèle blanche gravée de lettres dorées : «Hommage de l'université Paris-Descartes à ceux qui ont fait le don généreux de leur corps pour la recherche anatomique.» Des centaines de plaques de marbre sont disséminées sur la pelouse ou dans de petits bosquets, se mélangeant au lierre, aux feuilles d'automne et aux bouquets de fleurs bariolées. Le «jardin du souvenir» est un émouvant bazar de photographies aux couleurs chatoyantes, de médaillons surannés et de petits mots doux à «une mamoune», un «petit Pinouche» et un «papy Pierre». Il y a un homme immortalisé pour l'éternité avec son masque et son tuba, ou encore cette inscription sur un nuage noir : «Nom d'un chien, tu nous manques !» Le carré 102 est le lieu de commémoration des orphelins de corps, partis à la science plutôt qu'à la terre, le point de ralliement des sans-tombes.
Néanmoins, depuis que l'Express a révélé, le 26 novembre 2019, les conditions indignes de conservation des dépouilles au centre de dons de l'université Paris-Descartes, décrivant un «charnier», les plaques sont devenues des plaintes. Selon les derniers chiffres du parquet de Paris, 72 familles ont saisi la justice pour «atteinte à l'intégrité d'un cadavre». Alors qu'une enquêt