Bien avant l’ère macronienne, le père Lucien-Marie Dorne, curé en Ardèche, était un adepte absolu des «premiers de cordée». Formé chez les scouts, ce prêtre catholique mort en 2006 à l’âge de 92 ans est le fondateur de la Famille missionnaire de Notre-Dame (FMND) qui défraie, ces temps-ci, la chronique à cause de son projet d’église monumentale à Saint-Pierre-de-Colombier. Enfin, il en est plus exactement le cofondateur.
Car, dans la vie de Dorne, il y a eu d’abord une «première de cordée», Augusta Bernard, devenue mère Marie-Augusta et patronne de religieuses. Il la rencontre à Annonay, son premier poste. Elle veut devenir bonne sœur. Mais est recalée pour cause de santé fragile.
«Très pieusards». Selon le pieux récit conté par la Famille missionnaire de Notre-Dame, d'autres jeunes filles qui ont le même ardent désir de devenir religieuses s'adressent, elles aussi, à Dorne. Le prêtre crée ses premières «cordées», comme il les appelle, elles sont les prémices de son mouvement. En 1946, il est nommé curé à Saint-Pierre-de-Colombier. Sa troupe de jeunes filles le suit. Comme les habitantes du coin, certaines se mettent à travailler dans les «moulinages», les usines à soie de l'Ardèche. Cette même année, il édifie au sommet du village une statue, Notre-Dame-des-Neiges, et en fait un lieu de pèlerinage. Son mouvement conserve d'ailleurs une grande vénération pour la Vierge Marie.
En 1953, une deuxième communauté s’installe à Privas, toujours en Ardèche. En 1966, le mouvement de Dorne acquiert un vrai statut au sein de l’Eglise catholique. Depuis, la Famille missionnaire s’est agrandie. En France, elle dispose d’une douzaine de communautés, ainsi que d’une antenne à Rome. Le nombre de ses adeptes est un secret bien gardé, ils sont en tout cas au moins 200.
De ces religieux, Pierre Vignon, l'un des meilleurs experts des dérives sectaires dans l'Eglise catholique, dit qu'ils sont «gentils», «très pieusards» et soutenus par une bourgeoisie catholique très traditionnelle. De fait, ils aiment dire le chapelet, partir en pèlerinage et défendre la stricte morale familiale catholique, y compris dans son opposition à la contraception.
La Famille missionnaire est proche de mouvements ultraconservateurs comme les Scouts d'Europe ou les Associations familiales catholiques, très en pointe contre le mariage pour tous et la PMA pour toutes. Bref, des tradis qui ont gardé les rites d'un catholicisme populaire façon XIXe siècle. Dans cette galaxie traditionnaliste, il y a pire, c'est vrai. Mais quand même… «Ce sont des religieux très formatés», reconnaît Pierre Vignon. Et s'il y a des velléités de départ de la communauté, cela se fait dans la douleur.
Francs-maçons. L'actuel supérieur se fait appeler le père Bernard. Mais son vrai nom est Gérard Pinède. «C'est un ancien boulanger de l'Ardèche, converti par Dorne et qui a laissé sa fiancée pour devenir religieux, raconte Pierre Vignon. Il sourit toujours mais ne plie jamais.» Ça promet dans la bataille en cours pour la future basilique. D'après Pierre Vignon, le père Bernard a surtout une obsession, les francs-maçons qui, selon lui, veulent détruire l'Eglise catholique.