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Libération
Éditorial

Dignité

publié le 23 juin 2020 à 20h41

Qu'oppose-t-on, en fait, à l'universalisme républicain ? Pas grand-chose, à vrai dire. On distingue - dans le temps et dans les idées - deux antiracismes, celui de SOS Racisme, plus festif, humaniste et attaché aux droits de l'homme, et celui d'aujourd'hui, plus politique, plus virulent, parfois inspiré de thèses «décoloniales». C'est un fait que le second manie volontiers des concepts très contestables, comme le «racisme d'Etat», terme qui tend à culpabiliser la masse des fonctionnaires français, rangés dans deux catégories, les racistes avérés et les agents inconscients de structures qui les dépassent, sortes de marionnettes d'une machine par essence discriminatoire, ce que ces fonctionnaires pour la plupart républicains trouveront dans les deux cas injurieux. Mais c'est un fait, aussi, que certains comportements, ou certains mécanismes, sont inadmissibles et qu'il est juste de les critiquer. De même la dénonciation du racisme par ceux qui en sont les victimes est pour le moins légitime. Pour le reste, les personnes qui ont manifesté deux fois ces dernières semaines réclament surtout la fin des discriminations et un rapport plus équitable avec la police, l'Etat et la société. Autrement dit, ces manifestants se mobilisent précisément au nom de l'égalité, exemple même du principe universaliste posé par la République. Il leur arrive de chanter la Marseillaise : qui s'en plaindra ? Au fond, ils ne contestent pas les valeurs républicaines : ils demandent qu'elles soient appliquées, ou mieux appliquées. Qui peut dire qu'elles le sont toujours ? Emmanuel Macron les désigne comme «séparatistes». Drôle de qualificatif. Certains mouvements régionalistes sont effectivement «séparatistes», ou encore certains groupes intégristes qui s'ingénient à créer des petites contre-sociétés dans leur quartier. La masse des manifestants antiracistes, nouveaux ou anciens, exigent en revanche la dignité et la place au soleil auxquelles ont droit, en principe, tous les citoyens de la même République. Ils ne la rejettent pas, ils s'en recommandent. Est-ce dangereux ?