De face, de dos, de profil, Samir Elyes B., 48 ans, est une silhouette qui traverse archives et photos retraçant la thématique des violences policières. Il est remarquable, pour qui toise bien, que la foule proteste par paquets de dix éparpillés ou par milliers souffle contre souffle. Plus de vingt ans de rassemblements, de déplacements et de discours ont bouffé ses joues et retracé son menton - le militantisme est une addiction impossible à masquer. Aussi, chacune de ses incises porte sur l'héritage : «Nos quartiers populaires, qui ont servi de laboratoire dans le maintien de l'ordre, ont une histoire qu'il faut transmettre. On ne pourra rien construire à son détriment, il y a une continuité avec ce qui se passe aujourd'hui.»
En 1997, il est au cœur des révoltes urbaines de Dammarie-lès-Lys (Seine-et-Marne), sa ville d'origine, après la mort d'un mineur abattu par la police dans une course-poursuite. Quelques mois plus tard, il rejoint le MIB (Mouvement de l'immigration et des banlieues), qui vante les mérites de l'émancipation. Avec lui, Samir B. a prôné la politisation des quartiers pour éviter la casse vaine. Pour contourner, défend-il, le scénario basique : des gars qui crament tout, des CRS casqués et le retour à la frustration jusqu'à la prochaine confrontation. «Les révoltes ne durent qu'un temps. Tu fais quoi après ? Tu retournes au café ? L'enjeu est de faire comprendre au plus grand nombre pourquoi notre situation est anormale. Et cela passe forcément