Emmanuel Macron a confirmé ce jeudi l'installation d'une «mission indépendante» chargée d'évaluer la réponse donnée à la crise sanitaire et de réfléchir aux moyens d'anticiper les suivantes. Composé de cinq membres – Laurence Boone, économiste ; Anne-Marie Moulin, philosophe et médecin ; Pierre Parneix, médecin hygiéniste ; Raoul Briet, ancien président de chambre à la Cour des comptes –, elle est présidée par Didier Pittet, médecin infectiologue et épidémiologiste suisse. Reçu jeudi après-midi à l'Elysée, ce dernier s'est vu confier le soin de permettre «à chaque Français d'avoir accès à une information transparente, complète, et lucide». Signée par Emmanuel Macron, sa lettre de mission précise qu'il s'agit de «remettre les faits en perspective» et de «formuler des propositions pour renforcer notre système de riposte aux épidémies». Selon le chef de l'Etat, cette mission indépendante devrait contribuer à «renforcer la confiance envers nos institutions».
Déjà évoquée au début du mois, l'initiative présidentielle avait provoqué la colère de l'opposition qui voyait dans la création de cette «troisième commission» un geste de défiance à l'égard de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui ont tous deux créé leur propre commission d'enquête parlementaire. Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, s'était dit «stupéfait», tandis que son collègue Philippe Bas, président de la commission des lois, soulignait le caractère bien peu démocratique de ce «principe d'autoévaluation des politiques publiques par les gouvernements eux-mêmes». Il ajoutait que les Français ne seraient pas dupes de cette entreprise «d'autoprotection». Selon lui, elle n'aura jamais «les vertus cathartiques» du contrôle parlementaire avec «prestation de serment» et «possibilité de sanctions pénales en cas de faux témoignage».
«Comparer la riposte à celle de nos voisins»
«Rien d'anormal», proteste l'Elysée qui prétend se fonder sur «une longue tradition de contrôle de l'administration» et assure que ce travail «complémentaire et non pas concurrent» s'engage «dans le respect absolu de la séparation des pouvoirs». L'originalité de la mission voulue par le chef de l'Etat tiendrait au fait qu'elle tentera d'évaluer la gestion de la crise dans le contexte européen et mondial. A en juger par ses premières auditions, il semble en effet que l'analyse comparative ne soit pas la priorité la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. A l'image du rapporteur LR Eric Ciotti, les députés se sont surtout intéressés à la gestion des stocks de masques et la politique de tests en France.
C'est pour s'élever au-dessus de cette lecture principalement hexagonale que Macron a choisi de confier cette mission indépendante à Didier Pittet, une «autorité scientifique internationale», explique l'Elysée. «Le fait d'être suisse, c'est toujours utile», plaisantait jeudi le médecin épidémiologiste de l'université de Genève, évoquant, à la télévision suisse, le souvenir de ses missions en Afghanistan. Sous réserve d'inventaire, il estime d'ores et déjà que la France doit «probablement» être classée parmi les pays qui ont pris les bonnes décisions. «Il conviendra tout particulièrement, afin d'éclairer l'évaluation et les propositions que vous serez amené à formuler, de comparer la riposte à celle mise en œuvre chez nos voisins comme dans d'autres zones géographiques», insiste sa lettre de mission. Autant que nécessaire, Didier Pittet et ses quatre partenaires sont invités à auditionner les parties prenantes à la gestion de la crise, «en France et à l'étranger».
Il est prié de rendre dès octobre 2020 un premier rapport sur l’analyse de la gestion de la crise et la préparation d’une éventuelle seconde vague. Le rapport définitif sur l’anticipation du risque pandémique est attendu au plus tard pour la fin de l’année.