Des bastions qui sentent le vent du boulet vert et quelques «barons» sous la menace d'une claque de fin. A Marseille, la gauche unie espère fort tourner la page de l'ère Gaudin, lequel s'apprête à passer la main après vingt-cinq ans de gestion. La cheffe de file, Michèle Rubirola, avait créé la surprise en virant en tête au premier tour. Un «Printemps marseillais» que la droite affolée caricature en «hiver sibérien». Il faut dire que l'ouverture d'une enquête sur de possibles fraudes aux procurations chez LR a plombé la fin de campagne de sa candidate, Martine Vassal. Mais le scrutin par secteurs et le choix de la gauche de se désister dans l'un d'eux pour faire barrage à la réélection de Stéphane Ravier (RN) laissent le jeu extrêmement ouvert.
Ambiance crépusculaire aussi à Lyon où Gérard Collomb n'est déjà plus dans la course pour la présidence de la métropole, soumise pour la première fois au suffrage universel. Le maire et ancien socialiste y a renoncé au profit du candidat LR et surtout d'une alliance avec la droite derrière Yann Cucherat, afin de «sauver» la ville, a argué Collomb : au premier tour, son poulain était arrivé troisième, derrière Etienne Blanc (LR) et largement distancé par Grégory Doucet (EE-LV). Le pacte controversé dans une ville présentée comme berceau du macronisme a semé le trouble aussi bien au siège de LR que chez LREM, qui a retiré son investiture à l'ancien ami du Président.
A Bordeaux, habitué depuis sept décennies à désigner son édile en un seul tour, le sortant Nicolas Florian (LR) n'a devancé que de 96 voix l'EE-LV Pierre Hurmic, qui a uni la gauche au premier tour. L'accord passé avec Thomas Cazenave (LREM), arrivé troisième, redonne quelques couleurs à l'héritier d'Alain Juppé, qui joue la poursuite de son bail en triangulaire, Philippe Poutou (NPA) ayant maintenu sa liste fort de ses quasi-12 %.
Un autre écologiste menace la réélection de Jean-Luc Moudenc à Toulouse. Au point que le maire sortant, soutenu par LREM, a fustigé rien de moins que des «gilets rouges derrière une vitrine sympathique». Un dernier sondage les donne au coude-à-coude avec un micro-avantage à Antoine Maurice (EE-LV), qui a encore élargi son «Archipel citoyen» avec le ralliement de la liste socialiste, arrivée troisième mi-mars.
Le risque est aussi vert pour Martine Aubry, en lice pour un quatrième mandat à Lille. Les électeurs de ce fief socialiste l'ont certes placée en tête en mars, mais l'EE-LV Stéphane Baly la talonne (5,5 points derrière), la candidate LREM et ancienne dircab de Martine Aubry, Violette Spillebout étant loin derrière. Si les deux forces avaient pour habitude de fusionner, la maire et son adjoint dans l'équipe sortante n'ont cette fois pas réussi à s'entendre, se renvoyant la responsabilité de l'échec. Que feront les électeurs LFI dont le candidat a choisi de ne pas choisir, appelant seulement à battre LREM ? Et la droite se perd dans ses consignes, entre vote blanc, soutien à LREM et bulletin Aubry contre les écolos.
C'est un autre duel des gauches qui se joue à Saint-Denis. En 2014, l'ex-député PS Mathieu Hanotin avait trébuché aux portes de la mairie, communiste depuis la Libération, En tête au premier tour, il espère ravir ce bastion de l'ancienne ceinture rouge, où le maire Laurent Russier, soutenu par EE-LV, a échoué à passer accord avec LFI.
Ancienne place forte historique du PCF mais aussi fief d'Edouard Philippe, Le Havre sera parmi les villes les plus scrutées dimanche soir. Favori, le Premier ministre, maire de 2010 à 2017 et dont les «tripes ont le goût d'eau salée», y joue son avenir politique face au député communiste Jean-Paul Lecoq.