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Les écolos font basculer Bordeaux

Après un premier tour serré, le candidat EE-LV, Pierre Hurmic, devance le successeur de Juppé. Et met fin à soixante-treize ans de règne de la droite.
Pierre Hurmic, dimanche soir, après l’annonce de sa victoire. (Photo Rodolphe Escher pour Libération)
par Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux Photo Rodolphe Escher
publié le 29 juin 2020 à 0h21

«J’ai beaucoup de tristesse.» Il est 21 h 30 quand Alain Juppé quitte la mairie de Bordeaux. L’ancien maire confirme la défaite de son successeur, Nicolas Florian, et la victoire surprise de la liste de gauche pilotée par l’écolo Pierre Hurmic dans une ville dirigée par la droite depuis la Libération. «Que voulez-vous, c’est la démocratie. Il y a une vague verte partout en France», ajoute l’ex-Premier ministre dépité, avant de tourner les talons. Un séisme politique quand on sait que depuis 1947, la ville n’avait connu que deux maires de droite : Jacques Chaban-Delmas puis Alain Juppé, élus dès le premier tour. Soit soixante-treize ans de règne. L’écologiste, soutenu par le PS et le PCF, s’est imposé avec 46,48 % des voix devant le LR Nicolas Florian (44,12 %), pourtant allié avec le candidat macroniste Thomas Cazenave, qui avait obtenu 12,69 % le 15 mars.

«Pas sereins»

Une alliance qui l'avait même propulsé au rang de grand favori et qui faisait miroiter au parti macroniste une belle moisson de conseillers municipaux ainsi que la vice-présidence de la métropole. Au premier tour, Florian et Hurmic n'étaient séparés que de 96 voix. Opposant d'Alain Juppé pendant près d'un quart de siècle, Pierre Hurmic s'est exprimé devant son équipe de campagne et les électeurs venus l'applaudir en fin de soirée : «Je serai un maire à plein temps. Les Bordelais le méritent, je ne les décevrai pas. C'est votre victoire. Vous avez fait mentir les sondages dans un esprit de justice sociale.»

Philippe Poutou, candidat du NPA qui avait choisi de se maintenir au second tour, a recueilli un peu moins de 10 % des suffrages. «On voulait faire entendre la colère sociale. On a réussi à faire entendre la colère sociale», s'est félicité l'ancien candidat à la présidentielle après l'annonce des premiers résultats. Cette figure de la lutte contre les fermetures d'usines, licencié de l'usine Ford de Blanquefort, devient donc conseiller municipal.

Devant le QG de Pierre Hurmic, plusieurs centaines de Bordelais ont passé la soirée à chanter et à applaudir dans l'attente de la confirmation des résultats. Le candidat vert est ensuite arrivé à la mairie sous les applaudissements. La foule a déferlé dans la cour avec une nuée de drapeaux écologistes en scandant des «on a gagné !». Beaucoup l'admettent : «Jusqu'au bout, ça a été les montagnes russes, on n'était pas sereins.»

Marin, 36 ans, préfère ne pas trop crier victoire : «Il ne faut pas oublier que de nombreux Bordelais ne sont pas allés voter dimanche. Certains ne savaient même pas qu'il y avait une élection ou on a préféré la zapper. C'est donc une demi-victoire.» Dimanche, seuls 38,33 % des Bordelais se sont déplacés jusqu'aux urnes. Leila, 30 ans, est plus enthousiaste : «C'est historique pour nous. On n'y croit pas encore. On était la génération perdue, ce soir on a l'espoir d'être la génération retrouvée.»

«Dignité»

Attristé, Nicolas Florian a prononcé quelques mots avant de s'éclipser discrètement : «Je suis désolé, a-t-il commenté à chaud. C'est une soirée difficile pour moi, mais je ne baisserai pas les bras. Nous allons siéger avec dignité. Une page de Bordeaux est en train de se réécrire.» En début de soirée sur les plateaux télé, LR et LREM se tiraient la bourre pour savoir qui pourrait revendiquer la victoire bordelaise étant donné que les deux partis étaient alliés. Pour les deux camps, la défaite semblait inconcevable.

«Je pense que nous allons gagner Bordeaux, je ne suis pas trop inquiet, expliquait ainsi Christian Jacob, le président de LR sur le plateau de France 2. La majorité absolue sera LR. Il y a eu une alliance, mais ce sera une très belle victoire.» Tout faux.