Par pudeur sûrement et charité chrétienne sans doute, personne, au moment des adieux et des cadeaux, ne fait allusion, ce dimanche matin 28 juin dans la primatiale Saint-Jean à Lyon, à l'avenir désastreux qui s'ouvre devant le cardinal Philippe Barbarin. Certes, les invités – à peine 400 – ont été triés sur le volet. Mais, ce jour-là, à Lyon, c'est le bal de deux vaincus : Gérard Collomb, qui fut proche du cardinal comme il se devait à une certaine époque, perd sa mairie et Philippe Barbarin, lui, laisse définitivement sa mitre et sa crosse d'archevêque de Lyon et de primat des Gaules.
Souriant quand même devant ses invités, le prélat se prépare à un surprenant exil breton, à Saint-Pern, gros bourg rural aux confins de l’Ille-et-Villaine et des Côtes-d’Armor. Jusqu’à ce jour, on ne lui connaissait pas d’attaches bretonnes. Né au Maroc, le (désormais) archevêque émérite de Lyon, figure de proue des milieux catholiques identitaires français, ancien combattant de la Manif pour tous, a commencé sa carrière ecclésiastique comme prêtre dans la région parisienne. De mémoire, Barbarin est plutôt un urbain.
Elite de l’institution
L’Eglise catholique, en fait, n’a visiblement plus grand-chose à offrir à ce cardinal qui, en théorie, appartient à l’élite de l’institution, celle qui élit le pape en cas de conclave. Rien d’autre qu’un modeste poste d’aumônier à la maison mère des Petites Sœurs des pauvres, sise à Saint-Pern, une fonction dévolue généralement à un évêque ayant pris sa retraite.
A 69 ans, Barbarin en est pourtant loin à l’aune des standards de son institution. Les évêques et les prêtres ne quittent pas leur poste avant leurs 75 ans révolus. Les cardinaux, quant à eux, restent électeurs au conclave jusqu’à leurs 80 ans. Bref, qu’un prélat de ce rang se trouve sans affectation reconnue est extrêmement rare dans l’Eglise catholique.
Le 25 juin, Barbarin est venu annoncer lui-même sa disgrâce dans le studio de RCF, la radio chrétienne dont la tête de pont est installée à Lyon. Au micro, Barbarin oscille entre la naïveté et le pathétique. «Ma vraie vocation, c'est d'être prêtre», dit-il. Il laisse entendre (ou tente de s'en persuader ?) que le pape pourrait encore lui confier des missions à l'étranger.
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Devenu le symbole de l'omerta – de l'incompétence – de la hiérarchie catholique face aux abus sexuels, sa chute est brutale, sans rémission. «C'est rude», commentait, sous couvert d'anonymat, en fin de semaine dernière, une personnalité du diocèse de Paris.
Le coup de grâce a été donné par l’institution elle-même qui n’a pas repêché le cardinal Barbarin comme elle sait le faire dans d’autres circonstances. En 2014, pour se débarrasser de l’un de ses ennemis déclarés, le cardinal américain Raymond Burke, le pape François l’avait expédié comme aumônier de l’ordre de Malte, un poste garantissant un certain prestige à celui qui avait été écarté de la curie romaine.
Chapelet autour du cou
Rien d’équivalent pour Barbarin qui se targuait pourtant d’être un proche du pape François et qui rêvait d’une nomination à Rome. Même discrète, la mise à l’écart est évidente. Comme si on voulait cacher un Barbarin encombrant et devenu, au fil des mois, insupportable. Rien n’a été fait pour que Barbarin puisse se sauver la face.
L'attitude de son institution est impitoyable. Bien plus que celle de la justice des hommes qui avait relaxé, en appel, le prélat, poursuivi pour ne pas avoir signalé les agissements pédocriminels de Bernard Preynat et condamné en première instance à six mois de prison avec sursis.
L’exil breton de Barbarin relève de la sanction cachée. Par tradition, les coups bas, en milieu catholique, s’opèrent de manière feutrée. On y assassine symboliquement en serrant fort un chapelet autour du cou. Pour Barbarin, le couperet est tombé. Sans appel, cette fois-ci.