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Municipales

Pour LR, l’heure de se mettre au vert

Le parti de droite a fait les frais, dimanche, de sa négligence sur la question écologique, souvent réduite à un problème de «bobos déconnectés».
Le LR Nicolas Florian, successeur d'Alain Juppé, a dû s'incliner face au Vert Pierre Hurmic à Bordeaux. (Photo Rodolphe Escher pour Libération)
publié le 29 juin 2020 à 19h51

Lorsqu'on lui demande si, en matière d'écologie, la droite n'a pas raté une marche, Eric Diard rit jaune : «Une marche ? Tout l'escalier, oui !» Au sein du parti Les Républicains, le député des Bouches-du-Rhône, végétarien et militant de la cause animale, se voit comme «un ovni». Et désespère : «Sur l'environnement, on est à côté de la plaque. On parle développement durable comme dans les années 80. On veut être le parti de la ruralité et des seniors, sans voir qu'une grande partie de cet électorat nous préférera le Rassemblement national. Et nous sommes à zéro ou presque chez les jeunes».

«Pont-levis»

Au lendemain des municipales, d'autres conviennent que l'échec de LR dans plusieurs métropoles soulignerait ses lacunes sur un sujet trop négligé. «La question de l'écologie est fondamentale, elle est aujourd'hui une question très urbaine, a jugé le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau. C'est le problème de la droite : elle doit parler à la France des petites villes, mais aussi à la France urbaine.» La première lui a accordé de généreux suffrages, la seconde lui a souvent préféré des listes de gauche menées par un écologiste.

Certains y voient d'abord un fait sociologique. «Les communes qui ont basculé sont ultra-gentrifiées, estime ainsi le député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont. Leurs habitants sont de plus en plus des professions intellectuelles pour qui la question de l'attractivité économique, de la production, devient secondaire. Parler des 35 heures n'a aucune prise sur ces personnes», et c'est en vain que la droite rechercherait leur vote. Le député (ex-LR) de l'Essonne Robin Reda évoque, lui aussi, «un vote de professions supérieures qui ont les moyens d'être écolos, et qui ferment le pont-levis face aux banlieusards» qu'il se propose de défendre.

Reste que la droite a activement concouru à cet éloignement. Imprégné des thèses du géographe Christophe Guilluy, LR s'est fait le chevalier de la «France périphérique» contre l'arrogance des «métropoles mondialisées»… quitte à réduire certaines politiques environnementales à l'«idéologie» hédoniste de «bobos déconnectés». Une ligne particulièrement associée à l'ex-président de LR Laurent Wauquiez : «C'était l'un de mes points de désaccord avec lui, poursuit Reda. Quand il disait : "On arrête avec les métropoles, les métropoles c'est Macron, notre force c'est le rural."» Le parti ne se sentait pas, alors, tenu d'approfondir son discours écologique.

«Match»

Il y a urgence désormais, estime le président des députés LR, Damien Abad : «A droite, des figures comme Brice Lalonde, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Jean-Louis Borloo ont su incarner l'écologie. Si on fait l'impasse, on se mettra une balle dans le pied, et on se fera manger la maille par le RN, qui commence à parler localisme et circuits courts.»

Le secrétaire général, Aurélien Pradié, se dit «convaincu que le match se jouera à gauche, là où tout le monde disait qu'il fallait chasser à droite». Promesse d'un beau débat stratégique. Car, estime Pierre-Henri Dumont, «à la présidentielle, il faudra parler à la droite des grandes villes, mais surtout se souvenir de notre électorat besogneux, populaire, qui demande d'abord la sécurité et la liberté».