Menu
Libération
Interview

Maires EE-LV : «Ce ne sont pas des vieux routiers mais ils ne sont pas novices non plus»

Pour la sociologue Vanessa Jérôme, les néo-maires EE-LV mélangent de nouveaux visages de la politique et des générations plus anciennes de l’écologie.
Jeanne Barseghian, élue à Strasbourg, avec le maire réélu à Grenoble Eric Piolle, à Strasbourg lors d'une conférence de presse pour la campagne des élections municipales, le 17 juin 2020. (Photo Frederick Florin.AFP)
publié le 30 juin 2020 à 19h41

Politiste, docteure associée au Centre européen de sociologie et de science politique, Vanessa Jérôme est spécialiste de l’écologie politique et des Verts.

Qu’ont en commun les nouveaux maires EE-LV ?

Pour ne parler ici que des plus emblématiques, ce sont, en majorité, des hommes blancs, d'une large quarantaine d'années, diplômés, CSP +, politisés à gauche, entrés dans l'écologie par diverses voies (pas nécessairement la défense de l'environnement) et qui combinent plusieurs sortes d'engagements. Avec deux particularités : plus de femmes et plus de jeunes, voire de jeunes femmes, qu'à l'habitude. Le meilleur exemple, de ce point de vue, est Léonore Moncond'huy, qui vient d'être élue à 30 ans maire de Poitiers. Mais ce qui est intéressant, c'est surtout qu'à côté des plus récents en écologie, il y a des maires représentatifs d'autres générations militantes, de celles qui font vivre le parti depuis sa création en 1984. Je pense à Pierre Hurmic [lire page 6, ndlr], le maire de Bordeaux, qui fait partie des militants qui ont quitté Génération écologie dans le sillage de Noël Mamère pour rejoindre Les Verts en 1997-1998, ou à Bruno Bernard, élu à la métropole de Lyon, adhérent depuis 2002, qui représente ceux que j'appelle les «déçus du socialisme», dont il y a eu plusieurs vagues depuis les années 80.

Il y a à la fois des militants de longue date et une nouvelle génération qui reflète l’émergence de l’enjeu écologique ?

Oui. Il y a des nouveaux venus en écologie politique, qu'ils soient jeunes ou qu'ils aient préféré s'investir auparavant dans d'autres types d'engagements (associations, ONG, mouvements récents de justice climatique…), comme Anne Vignot [lire page 4], maire de Besançon qui a rejoint EE-LV pour les régionales de 2010 mais qui était engagée depuis longtemps sur les questions d'environnement. Et il y a des anciens, membres du parti vert depuis le milieu des années 90.

Vous dites des nouveaux qu’ils sont de la «génération EE-LV», c’est-à-dire ?

Ce sont des militants qui ont adhéré après la fusion de 2010 et qui pensent parfois qu’ils ont rejoint un parti nouveau, EE-LV, sans nécessairement avoir en tête ses successives transformations et son histoire longue. D’autant que les fondateurs de ce que l’on appelait le réseau Europe Ecologie, qui a fusionné avec le parti vert, ont pour beaucoup quitté le parti après les européennes de 2009 ou les régionales de 2010, et que le turn-over militant n’aide pas à conserver les mémoires très vivantes.

Vous dites qu’ils sont «semi-pros», c’est-à-dire ?

Les semi-professionnels, ce sont ceux dont les carrières politiques sont soit plafonnées dans le temps, soit dans l’espace des positions politiques - souvent cantonnés dans les collectivités territoriales. Leurs carrières sont irrégulières, parfois interrompues, faites d’allers-retours entre le métier exercé et les fonctions politiques, parfois en «feu d’artifice» : on monte vite, parfois haut, et on redevient parfois très abruptement «simple» militant. Ce sont des trajectoires qui représentent bien les carrières politiques vertes.

On a longtemps dit que les écolos avaient du mal avec l’exercice du pouvoir. Est-ce encore le cas ?

On se trompe ! Les écologistes n’ont pas de mal avec l’exercice du pouvoir. Ils ont du mal à se faire élire, c’est très différent. Beaucoup ont une expérience de collaborateur d’élu ou sont rompus à l’exercice de fonctions politiques, qu’ils soient élus dans les majorités composites ou les oppositions des collectivités territoriales. Certains sont même élus depuis plusieurs mandats. Mais parce qu’en France on a souvent le nez sur les ministres et les parlementaires, cela ne se voit pas beaucoup. Ces écologistes ne sont pas majoritairement des vieux routiers de la politique mais ils ne sont pas novices non plus. Pierre Hurmic était conseiller municipal de Bordeaux depuis 1995, Léonore Moncond’huy était élue depuis 2015 et coprésidente du groupe des élus régionaux, Jeanne Barseghian était collaboratrice du groupe d’élus régionaux et avait été élue en 2014, Anne Vignot était élue régionale en 2010 puis municipale en 2014, Bruno Bernard était déjà élu en 2008 et Eric Piolle en 2010.