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Libération
édito

Atmosphère

publié le 1er juillet 2020 à 20h31

Curieuse, deux ans après l'éclosion de #MeToo, cette incapacité à comprendre son époque, alors qu'on anime l'une des industries les plus en pointe, les plus neuves, les plus en prise sur la société, le jeu vidéo. Selon la vingtaine de témoignages recueillis par nos journalistes, il régnerait au siège d'Ubisoft, au sein du service phare du numéro 3 mondial du secteur, une atmosphère d'épais machisme, des pratiques courantes de harcèlement sexuel, voire, dans certains cas, d'agression sexuelle. Blagues de mauvais goût ? Ecarts verbaux mineurs et sans conséquence ? Culture potache qu'il faut relativiser, sous peine de tomber dans «l'inquisition bien-pensante» ? Notre enquête montre le contraire, même si l'un des accusés lui oppose, pour son compte personnel, un démenti. Rappelons la définition juridique du harcèlement sexuel : «le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.» Chacun pourra constater, à la lecture de notre enquête, que ce sont bien des faits de cette nature que décrivent les femmes – ou les hommes – qui ont témoigné. Ils révèlent un machisme en actes qu'on croyait en voie de correction ou de disparition, en tout cas dans les firmes les plus «hype». A ce stade, aucune des femmes concernées n'a porté plainte. Elles craignent que cette démarche ne nuise gravement à leur situation ; le conflit est interne à l'entreprise. On ose espérer que celle-ci, comme elle le promet, engagera les enquêtes nécessaires. Quant aux personnes accusées et citées, il est clair qu'elles doivent – comme elles le demandent d'ailleurs – répondre devant la justice, qui tranchera entre accusations et dénégations.