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Libération

L’intérêt général en question

publié le 1er juillet 2020 à 19h26

Marie-Jo Menozzi, sociologue et anthropologue, spécialiste des interactions entre l’homme et son milieu, évalue le projet des Nielles au regard du littoral breton.

«Dans la mesure où ce projet s’inscrit dans un quartier déjà urbanisé, on ne peut pas vraiment parler de "bétonisation". Mais on peut s’interroger sur la notion "d’intérêt général" qui y est rattachée. Sans doute s’agit-il d’une stratégie municipale, mais voilà une forme de confiscation de l’espace communal au profit du privé et des classes les plus aisées. On va remplacer un camping accessible aux classes populaires par des hôtels cinq et quatre étoiles. Cela participe d’un phénomène plus général de "gentrification" du littoral où il devient de plus en plus difficile pour les moins fortunés d’aller passer des vacances en bord de mer.

En affirmant s’inscrire dans une logique de "développement durable", le groupe Raulic fait un usage quelque peu abusif de ce vocabulaire. Il semble avoir bien intégré les aspects énergétiques du projet mais conserver des plantes endémiques sous forme "jardinée" ne doit pas faire oublier qu’on reste dans un processus d’artificialisation de l’espace. Ce projet manque également d’une réflexion plus large sur la manière dont il va s’inscrire dans son milieu, notamment en termes de mobilités. La concertation dont il se prévaut reste aussi limitée. On est allé demander aux gens ce qu’ils pensaient d’un projet déjà ficelé. Une véritable concertation autour de son intérêt général aurait supposé des moments d’échange avec les habitants plus en amont.»