Une page se tourne définitivement à Bordeaux. L'écologiste Pierre Hurmic a été officiellement élu maire de la capitale girondine lors du conseil municipal d'installation ce vendredi matin. Dimanche 28 juin, sa liste Bordeaux respire, soutenue par le PS et le PCF, s'est imposée avec 46,48% des voix. Une vague verte historique dans cette ville dirigée par la droite depuis soixante-treize ans. Protocole sanitaire oblige, le nouveau conseil ne s'est pas déroulé à l'hôtel de ville mais a été délocalisé dans l'auditorium pour respecter les règles de distanciation sociale. L'espace, plus grand, a permis d'accueillir le public, venu en nombre, pour l'ouverture des portes, à 9h30. Enthousiasmés par le caractère «inédit» de l'évènement, certains ont même fait le pied de grue dès 7 heures pour s'assurer une place.
«Notre écologie est pragmatique»
«Emu», après avoir enfilé son écharpe tricolore, le nouveau maire de Bordeaux, avocat de profession, a joué l'apaisement en s'adressant d'abord à sa nouvelle opposition. Il a salué «non pas des adversaires» mais «des concurrents». «Après toutes ces années, je connais l'ingratitude de la place. Je veillerai à ce que leur rôle soit reconnu. Je veux qu'ils sachent qu'ils trouveront chez moi un esprit d'ouverture, de respect, de transparence», a assuré Pierre Hurmic, lui qui a passé vingt-cinq ans sur les bancs de l'opposition et dans l'ombre d'Alain Juppé. Pour prouver sa bonne foi, il a confirmé sa volonté de proposer la présidence de la commission des finances à un membre de l'opposition. Il a au passage rassuré les acteurs économiques locaux : «Nous soutiendrons les entreprises en difficulté. Nous n'allons pas renverser la table, nous allons la réparer.»
Mais cette élection a surtout été l'occasion pour le nouveau maire de Bordeaux de réaffirmer ses ambitions sur le plan écologique. «Nous déclarerons l'urgence climatique», a-t-il ainsi expliqué dans son discours en rappelant que de nouvelles mesures pourraient intervenir «rapidement» avec les premiers jours de canicule qui se profilent à Bordeaux. «Cet impératif climatique irriguera toutes nos politiques», a martelé Pierre Hurmic. Et d'avertir les plus sceptiques : «Je ne laisserai jamais personne caricaturer l'écologie que nous avons choisie pour transformer Bordeaux ! Elle n'est pas punitive. Seule l'inaction l'est. Notre écologie est pragmatique.»
«Pas de concessions»
Durant les six prochaines années, le maire vert devra toutefois composer avec une opposition forte et de caractère qui a d'ores et déjà prévenu qu'elle ne ferait «pas de concessions» et serait «ultra vigilante». Tout en regrettant «que beaucoup de Bordelaises et Bordelais ne se soient pas déplacés pour voter», le maire sortant et héritier juppéiste, Nicolas Florian (LR) – arrivé en seconde position dimanche soir (44,12%) malgré son alliance avec le marcheur Thomas Cazenave – a appelé Pierre Hurmic à «s'adresser à l'ensemble des habitants. Il ne s'agit plus de défendre un camp, il s'agit de défendre Bordeaux». Le ton a été dur aussi du côté du syndicaliste Philippe Poutou et sa liste Bordeaux en lutte. Soutenu par un petit groupe de colistiers dans une ambiance de match de foot, entre chants et huées, il a annoncé : «Pas de félicitations de mon côté. On a déjà eu des vagues vertes et roses où rien n'a changé. Nous restons très méfiants, […] la table il faut la renverser», a-t-il asséné.
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Arrivé en troisième position du scrutin avec un peu moins de 10% des suffrages, l'ex-candidat NPA à la présidentielle de 2017 rentre au conseil municipal avec deux autres élus d'extrême gauche pour «faire entrer la colère sociale à la mairie de Bordeaux». Parmi eux : Antoine Boudinet, un gilet jaune mutilé lors d'une manifestation. Sous pression et assurant avoir conscience du «faible taux de participation», Pierre Hurmic a repris quelques instants la parole avant la fin de séance : «Je serai le maire de tous et pas un chef de clan. Nous serons jugés sur nos actes et nous ferons tout pour que les Bordelaises et les Bordelais ne soient pas déçus.»