Il y a une erreur dans le communiqué publié par l’Elysée. On y annonce que le Président a nommé Jean Castex Premier ministre. Il faut lire en fait : le Président a nommé Premier ministre… Emmanuel Macron. C’est la principale leçon de ce début de remaniement : en désignant un homme inconnu du public, sans assise partisane, loué pour son sens de l’organisation et du contact mais absent de la vie politique nationale, et donc sans autonomie, le Président a nommé un chef d’état-major ou, comme disait Nicolas Sarkozy, un «collaborateur». Emmanuel Macron signifie par là qu’il joue désormais son va-tout, qu’il prend en main toutes les commandes, et incarnera, à lui seul ou presque, les décisions qui seront prises dans les deux ans qui viennent.
Jean Castex, en effet, certainement doué de grandes qualités, ne dispose pas d'un CV présageant son avènement. Jadis, nommant Raymond Barre à Matignon, Valéry Giscard d'Estaing l'avait présenté comme «le meilleur économiste de France». Castex peut revendiquer celui de «meilleur déconfineur de France», spécialité tout de même plus étroite. Ou alors, autre option, celui de meilleur économiste de Prades (Pyrénées-Orientales), sa ville d'élection. On cite volontiers un de ses aphorismes récents, prononcé à propos du déconfinement : «Il faut y aller mollo.» Il sonne moins bien que «veni, vidi, vici» ou «on les aura». Cette nomination réduit pratiquement à néant l'hypothèse d'un «tournant» dans le quinquennat, à propos duquel on a beurré d'innombrables tartines. Ayant navigué entre Fillon, Sarkozy et Bertrand, Castex est un homme de droite de modèle courant, solidement pragmatique et conservateur. On ne le voit guère donner le coup de volant annoncé. Tournant ? Ce sera, selon toutes probabilités, un virage en ligne droite.