Menu
Libération

Violences sexuelles : nouvelle manif en Corse

publié le 3 juillet 2020 à 20h16

Ensemble, elles veulent «briser le silence». Libérer la parole. Dire haut et fort ce qu'elles ont vécu, en espérant «éveiller les consciences» : ces dernières semaines, en Corse, victimes et militantes féministes se mobilisent pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles. Partie des réseaux sociaux via le hashtag #IWas («I was», pour «j'avais» ou «j'étais»), la mobilisation s'étend désormais à la rue. Le 21 juin, environ 300 personnes avaient déjà manifesté dans la rue à Bastia scandant «Protégeons nos filles, éduquons nos fils».

Ce dimanche, une manifestation partira cette fois à 18 heures du tribunal judiciaire d'Ajaccio (Corse-du-Sud), à l'initiative de plusieurs victimes, soutenues par des associations féministes locales telles que Donne e Surelle («femmes et sœurs») ou les colleuses. «En manifestant, on espère agir sur la conscience collective, montrer que les violeurs et les agresseurs sont partout, même en Corse», appuie l'une des porte-parole des colleuses corses, qui préfère rester anonyme.

Cela fait plusieurs mois que ces militantes tapissent les murs de l'île de messages dénonçant les féminicides, les violences sexistes et sexuelles et le patriarcat, comme cela se fait dans plusieurs grandes villes françaises et européennes. Depuis début juin, les colleuses corses assurent avoir reçu plus d'une cinquantaine de témoignages de victimes de violences sexuelles, signe d'une libération de la parole sans précédent sur l'île qui les a «étonnées et submergées». «Même après #MeToo et #BalanceTonPorc, l'omerta est restée très forte, en partie par peur des représailles : vivant sur une île, tout le monde se connaît. Et en Corse, il y a une vision très ancrée de l'homme comme quelqu'un de fort qui peut s'octroyer le droit de décider pour les femmes, et qui peut donner l'impression que le consentement est un dû», analyse la porte-parole des colleuses, qui sent toutefois la «loi du silence» se fissurer doucement et veut voir en #IWas un véritable tournant.

Né aux Etats-Unis début juin, le hashtag a donné lieu à des centaines de témoignages sur Twitter, dans lesquels des victimes, essentiellement de sexe féminin mais pas uniquement, relatent les violences sexuelles vécues en précisant leur âge. Rapidement, une déclinaison locale a vu le jour, sous la forme de #IWasCorsica. On peut y lire des histoires souvent imprégnées d'emprise, de sidération, voire d'amnésie traumatique, telles que celle de cette utilisatrice, postée le 9 juin : «I was 11 [«j'avais 11 ans», ndlr]. C'était mon grand-père. Sa main était dans mon dos et s'est retrouvée dans mon pantalon. Je me suis vivement dégagée. Je n'en ai jamais parlé, mais j'envisage un jour l'hypnose. Je vivais à moitié chez mes grands-parents, petite. J'ai peur d'avoir occulté des choses.»

A l’issue du rassemblement de dimanche à Ajaccio, une délégation devrait être reçue à la préfecture, pour réclamer une meilleure prise en charge des victimes par la police et la justice, davantage de sensibilisation, notamment en milieu scolaire, et un renforcement de l’aide psychologique apportée aux victimes.