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Vacances

Paris déconfiné mais inquiet d'un été sans touristes étrangers

Déconfinementdossier
Privés des voyageurs internationaux, les professionnels du tourisme parisien tablent sur une fréquentation morose, mais qu'ils espèrent compenser par la venue de locaux.
Dans le XIIIe arrondissement de Paris, en juin 2019. (Photo Joël Saget. AFP)
par Paul Ricaud
publié le 4 juillet 2020 à 9h29

Au pied de la tour Eiffel, les touristes ne font plus la queue. Les barrières qui forment l'habituel labyrinthe pour mener la foule jusqu'au guichet ont été retirées. Emilie, la quarantaine, a saisi l'occasion pour emmener son fils monter dans la tour. «On s'est dit que c'est le bon moment pour venir, il n'y a aucune attente», dit la Francilienne. En une matinée, un vendeur à la sauvette n'a vendu aucun souvenir, «zéro centime, rien du tout». Résultat, ce midi, il n'a mangé qu'une demi-baguette achetée moins d'un euro dans la supérette la plus proche. Alors que l'ascenseur de l'emblématique monument parisien a repris du service mercredi, la capitale s'apprête à passer une étrange saison touristique. Même si les acteurs du secteur voient les frontières européennes se rouvrir progressivement, la clientèle n'a rien à voir avec celle des années précédentes.

La tour Eiffel, dont le public est composé à 80% d'étrangers habituellement, accueille depuis la reprise le 25 juin trois-quarts de Français. L'occasion pour la société d'exploitation d'enrichir son offre pour les locaux. «On veut dire aux Franciliens et Français qui boudent d'habitude la tour à cause de la foule que maintenant, ils l'ont pour eux tout seuls», décrit le service de communication. Des DJ-sets et un bar de plein air au premier étage, à la manière d'un rooftop branché, pourraient attirer les entreprises pour des verres entre collègues. Bientôt, un parcours pour les enfants serait un moyen de séduire les familles franciliennes et françaises.

Dans un hôtel, 15% d’occupation pour l’été

Dans de nombreux palaces et hôtels d'autres quartiers prisés, la reprise ne se fera pas cet été. L'Office de tourisme parisien a prévu une baisse de l'activité de l'ordre de 60%. «Il est très difficile de prédire comment cela va se passer, mais les touristes étrangers seront peu nombreux», analyse sa directrice Corinne Menegaux. L'horizon s'annonce morne pour les professionnels du domaine, comme les tour-opérateurs destinés à la clientèle asiatique, ou pour les boutiques de luxe, très fréquentées par les touristes étrangers.

L'hôtel Castille, dans le chic quartier de la Madeleine, fonctionne d'ordinaire grâce à une clientèle majoritairement internationale. Fermé plus de trois mois, il a rouvert fin juin, mais partiellement pour éviter d'entretenir des chambres qui de toute façon resteront vides. «On évite de perdre la clientèle fidèle, on reste présents sur le marché et on soutient les boutiques et restaurateurs», explique la directrice, Alessandra Bragoli. L'année dernière, les visiteurs venaient principalement des Etats-Unis, pays aujourd'hui le plus touché par la crise sanitaire, dont l'ouverture des frontières n'est pas prévue avant plusieurs semaines. D'inspiration italienne, l'hôtel pourrait attirer les Français en manque de dépaysement qui ne partiront pas à l'étranger. Mais pour le moment, la direction ne s'attend pas à dépasser 15% d'occupation des chambres cet été. Elle espère néanmoins que la reprise des voyages d'affaires ainsi que la proximité du musée du Louvre et de nombreuses boutiques de luxe vont attirer du monde.

«Nouvelles expériences»

Dans le VIIe arrondissement, à deux pas de l'esplanade des Invalides, la devanture du Cinq Codet est encore recouverte de panneaux de bois. Les clients de l'hôtel cinq étoiles viennent habituellement de l'étranger. Ils ne réserveront pas cet été. «Plutôt que de rouvrir à Paris, on a préféré y faire des travaux et se concentrer sur les relais châteaux de province», détaille la directrice Myriam Kournaf-Lambert. Avec un nombre de réservations inférieur à la normale, la maison table sur des services plus personnalisés pour tenir le choc. «On propose des déjeuners dans les parcs, notre chef cuisine selon les souhaits des clients», détaille Myriam Kournaf-Lambert. Une stratégie qui permet de contrer la froideur clinique qu'imposent les règles sanitaires et qui devrait offrir à l'entreprise un été «correct, sans plus».

«Les résultats de notre baromètre montrent que les Français gardent l'intention de voyager à Paris», tente de se rassurer la directrice de l'Office de tourisme de Paris. Elle aussi cherche à se servir de la situation hors du commun pour offrir de «nouvelles expériences» aux touristes. L'organisme met l'accent sur les activités de plein air et la découverte du «Paris caché» : les petits musées, les promenades à vélo, le street art dans le XIIIe arrondissement. «Grâce à la faible fréquentation, les touristes et Parisiens découvriront Paris autrement», escompte Corinne Menegaux. Au sein du centre Pompidou, les conservateurs proposeront de nouvelles visites autour des œuvres de leur choix. Quant à la ville de Paris, elle prévoit plus de parcours culturels pour les bénéficiaires des centres de loisirs, associations et maisons de retraite. Un autre moyen de soutenir les professionnels du tourisme parisien.