C’est le ministre le plus médiatique du gouvernement et la surprise de ce remaniement. En nommant Eric Dupond-Moretti, célèbre pénaliste français, à la chancellerie, Emmanuel Macron joue la carte de la rupture dans un casting composé essentiellement de professionnels de la politique ou de technocrates, et mise sur l’attrait d’une voix dissonante. Ou plutôt une voix tonitruante, tantôt admirée, tantôt décriée, connue pour son acharnement dans les prétoires et ses coups de gueule dans les médias.
Celui qui a endossé la robe en 1984 s'est véritablement fait connaître lors du procès de l'affaire Outreau à Saint-Omer, où il défendait la «boulangère», Roselyne Godard, dont il a obtenu l'acquittement. Le début d'une longue série de victoires qui tiendront la presse en haleine (elle compte méthodiquement ses faits d'armes). Baptisé «l'ogre des prétoires» ou «Acquittator» - surnom qu'il abhorre -, Dupond-Moretti n'a eu de cesse de sillonner la France des cours d'assises, dans l'inusable robe noire héritée de son mentor Alain Furbury. Parmi ses derniers grands dossiers : Bernard Tapie, Jérôme Cahuzac, Abdelkader Merah, Patrick Balkany… Collision de calendrier dont il faudra se dépêtrer : avant de devenir garde des Sceaux, il a porté plainte contre X, le 30 juin, dans une procédure en marge de l'affaire Bismuth au cours de laquelle des «fadettes» d'avocats - dont les siennes - avaient été épluchées par le Parquet national financier…
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Avec cette nomination inattendue, Emmanuel Macron fait le pari d'une réconciliation avec les avocats, très remontés contre le gouvernement depuis la réforme de la justice de 2018 puis celle des retraites. Au risque de chiffonner certains juges. «Une déclaration de guerre à la magistrature», a immédiatement réagi l'USM, principal syndicat. Quand on lui demande sa définition de la justice, l'avocat cite très souvent cette phrase du magistrat Casamayor : c'est «une erreur millénaire qui veut que l'on ait attribué à une administration le nom d'une vertu».