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Libération
Bilan

Muriel Pénicaud, licenciée

Des ordonnances libérales à la réforme de l’assurance chômage, la ministre du Travail sortante aura donné toujours plus de poids aux employeurs au détriment d’un cadre légal protecteur pour les salariés.
Muriel Pénicaud, le 24 juin à l'Elysée. (Photo Ludovic Marin. AFP)
publié le 6 juillet 2020 à 20h06

Aux yeux du grand public, Muriel Pénicaud restera peut-être comme «la ministre qu'on ne comprend pas», ainsi que l'a surnommée Quotidien (TMC) en raison de sa propension à bafouiller dans les interviews radiophoniques et télévisées. C'est un fait : même les journalistes les plus aguerris ont galéré à déchiffrer les explications parfois absconses de la ministre du Travail sortante et à compléter les nombreuses phrases qu'elle laissait pendouiller au fil des idées qui semblaient se percuter dans son esprit.

Pourtant, sur le fond politique, la ligne de l'ancienne DRH de Danone, incarnation du désir présidentiel de donner une place à la «société civile», aura été assez simple. Fidèles à l'orthodoxie libérale la plus classique, la série d'ordonnances adoptées dès le début du quinquennat ont profondément bouleversé le code du travail, en donnant toujours plus de poids aux employeurs au détriment d'un cadre légal protecteur pour les salariés. De la rupture conventionnelle collective au plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, beaucoup aura été mis en œuvre pour faciliter les licenciements, au prétexte que cela favoriserait les embauches. Le tout en faisant le pari que la plupart des conflits se régleraient par la magie d'un tout-puissant «dialogue social» au sein des entreprises.

Si, dans les faits et sans qu’on puisse faire un lien précis et documenté avec ces mesures, le chômage a effectivement décru au fil des trois premières années du quinquennat, la crise du Covid-19 est venue mettre un brutal coup d’arrêt au processus. En prenant la décision de confiner le pays et de mettre à l’arrêt, pour plusieurs semaines, des pans complets de l’économie, le gouvernement a pris le risque d’une explosion du chômage et voit désormais mise à l’épreuve la philosophie même de sa politique, ce qu’illustrent les accords de performance collective qui placent les représentants des salariés en situation de devoir concéder des droits sociaux pour espérer sauver des emplois.

Si tout le monde syndical et patronal a salué sans réserve la décision de recourir massivement à un dispositif de chômage partiel parmi les plus généreux du monde pour préserver l'emploi, les critiques ont rapidement plu, du côté des centrales syndicales, sur Muriel Pénicaud et son empressement à vouloir voir l'économie repartir au plus vite. «Elle devrait se concentrer sur l'intitulé de son ministère, qui est le Travail, et pas l'Economie et les Finances», taclait fin mars dans Libération Yves Veyrier, le numéro 1 de FO. Du côté de la CGT, un membre du bureau confédéral retient aussi que la «concertation», à laquelle le gouvernement se vantait de recourir massivement, «n'a été synonyme ni d'écoute ni de prise en compte… quand les syndicats n'ont pas été carrément mis devant le fait accompli !»

Le désamour aura fini par gagner jusqu’à la CFDT qui, après avoir regardé avec bienveillance le début du quinquennat, n’a pu que dénoncer une réforme de l’assurance chômage fragilisant davantage les travailleurs les plus précaires. Réforme dont Muriel Pénicaud aura fini par reconnaître à demi-mot les effets néfastes, en acceptant de rouvrir des discussions sur ses modalités.