«J'apprends un nouveau métier, quelle chance fantastique !» s'ébaudissait-elle dans un portrait publié par Libé en 2016. Mais on ne se refait pas. Initiée à l'époque aux charmes de l'infotainment et de la libre antenne sur RMC, et barbotant ainsi dans un univers de médias qu'il lui reviendra d'administrer en sa nouvelle qualité de ministre de la Culture, Roselyne Bachelot se jurait décontaminée et guérie de toute tentation du retour à la maroquinerie politique, après déjà trois barouds ministériels (à l'Ecologie sous Raffarin-Chirac, à la Santé et aux Sports, puis aux Solidarités sous Fillon-Sarkozy).
Naguère députée pro-pacs solitaire à droite, mais restée d’une orthodoxie toute RPR en matière de comptes, amie de François Fillon et chiraquienne versée au sarkozysme, féministe convertie et première «rapporteure générale» de l’Observatoire de la parité en politique, l’ex-pharmacienne fut récemment réintroduite sous les feux médiatiques par la pandémie de coronavirus et le cruel inventaire des politiques sanitaires récentes - à son avantage. Puis certains rêvasseurs de la majorité voulurent imaginer en elle un substitut crédible à Agnès Buzyn dans l’entre-deux-tours des municipales parisiennes.
Elle replongera donc, à 73 ans, finalement Rue de Valois, en remplacement de l’exfiltré Franck Riester, qui lui laisse pour cartons et feuille de route quelques défis vertigineux. D’une part soutirer une contribution à la création enfin conséquente aux Netflix, Amazon et consorts, dans le cadre de ce qu’il reste de l’ambitieuse réforme de l’audiovisuel engagée par son prédécesseur. Mais aussi, et surtout, panser, sans grands moyens, les plaies d’un secteur dévasté par le confinement, qui n’aura, pour partie, guère connu le répit entre la première vague et l’hypothétique seconde. Faut-il voir un trait d’esprit de l’exécutif dans le choix d’une ancienne ministre de la Santé pour veiller le secteur le plus durablement empêché par le virus ?
Son ancrage dans l’environnement culturel apparaît quoi qu’il en soit plus évident que celui de quelques-uns de ses prédécesseurs. Sans remonter à ses gammes de choriste au pensionnat du Sacré-Cœur d’Angers, la grande revenante du gouvernement Castex est une inconditionnelle d’opéra, découvert à 25 ans lors d’un séjour à Vérone - coup de foudre qui ne la quittera plus, elle, la seule femme politique que l’on aperçoit si régulièrement dans les salles pour son seul plaisir.
Cette admiratrice du très aimé ténor wagnérien Jonas Kaufmann a même signé il y a quatre ans une anthologie de l’opéra français. Parmi la multitude d’émissions de télé et de radio auxquelles elle a contribué à la faveur de sa parenthèse crypto-journalistique, citons une chronique hebdomadaire dans la matinale de France Musique pendant plusieurs années. Ainsi que des contributions régulières à Forum Opéra, site sur le lyrique dont le directeur de la publication n’est autre que Sylvain Fort, l’ex-patron de la com élyséenne et de la campagne de Macron en 2017. Les modalités de l’année blanche des intermittents du spectacle, la réforme du statut d’artiste-auteur ou encore la taxation des Gafa, on ne sait pas. Mais il est permis de supposer qu’une attention extrême sera portée à la situation de crise à l’Opéra de Paris, qui a accumulé 45 millions de pertes sur l’exercice en cours.