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Libération
Reportage

Mélenchon vient plaider la «reconversion» pour maintenir l'emploi chez Airbus

Le leader des insoumis est venu apporter son soutien aux salariés de l'avionneur, menacés par 5 000 suppressions de postes en France, dans le cadre d'une manif organisée par la CGT, à Blagnac.
Jean-Luc Mélenchon à Blagnac ce jeudi. (Photo Ulrich Lebeuf. Myop pour Libération)
publié le 9 juillet 2020 à 18h43

Depuis l’annonce choc de 15 000 suppressions d’emplois chez Airbus, dont 5 000 en France, les manifestations se suivent et ne ressemblent pas, devant le siège de l’avionneur à Blagnac. Mercredi, sur le coup de midi, Force ouvrière et la CGC, syndicats majoritaires, ont fait défiler plusieurs milliers de salariés depuis les usines et les bureaux de Colomiers jusqu’au quartier général du groupe, de l’autre côté des pistes de l’aéroport. La CGT appelait, de son côté, à un nouveau rassemblement ce jeudi, qui a réuni seulement quelques centaines de manifestants, mais avec un invité de poids : Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France insoumise était déjà venu dans la ville rose, en février, pour se mêler aux manifestants contre le projet de réforme de la retraite. «Vous seriez venu hier, vous n’auriez pas pu être avec nous», lui glisse en l’accueillant Xavier Pétrachi, délégué CGT d’Airbus. Le syndicat, qui se sait minoritaire chez l’avionneur, a préféré mobiliser à l’extérieur des grilles, en sonnant le rappel chez les sous-traitants. Son homologue FO avait répondu par avance aux critiques qui s’étonnaient du choix d’une manifestation strictement limitée au périmètre d’Airbus : «Notre manifestation n’est pas politique. On n’est pas là pour faire basculer le gouvernement», déclarait Jean-François Knepper, mercredi, devant une forêt de micros et de caméras.

Une «reconversion» industrielle nécessaire

Dès son arrivée sur le rond-point, où le camion-sono de la CGT balance les vieux tubes de Trust et des Motivés à plein décibels sous un soleil de plomb, Jean-Luc Mélenchon est happé par le maelström médiatique, sous l'œil goguenard de Michèle Puel, militante de Lutte ouvrière. «Vous les journalistes, vous vous focalisez trop sur l'anecdotique», balance cette ancienne ajusteuse d'Airbus, désormais retraitée. A ses côtés, des militants anarcho-syndicalistes de la CNT ou encore ce manifestant, bien connu des défilés des Gilets Jaunes à Toulouse, déguisé en Obélix, qui bat le rythme sur son tambour décoré de la tête de Che Guevara. Au milieu de ce rassemblement très politique, le leader de la France insoumise déroule son message.

«Airbus ne retrouvera pas le niveau de production d'avant la crise, et c'est sans doute mieux comme ça», assène Jean-Luc Mélenchon, considérant que les projections des experts, qui tablaient sur une croissance exponentielle du trafic aérien mondial, étaient insoutenables. Il est donc nécessaire à ses yeux de se lancer dans une «reconversion» industrielle. L'insoumis compare l'industrie aéronautique au nucléaire : «On ne va pas arrêter d'un coup toutes les centrales et mettre les gens à la porte.» Le président de groupe des députés insoumis réclame le retour d'une planification, qu'il oppose à la politique libérale d'Emmanuel Macron «qui laisse faire les marchés». Il s'amuse à rappeler que le général de Gaulle lui-même évoquait la planification comme «une ardente obligation». «Qu'on ne vienne pas me dire que ce serait le retour à l'Union soviétique», balaye un Mélenchon d'humeur badine face à la presse.

Sortir de la «mono-industrie»

La question de la reconversion de l'industrie aéronautique divise élus et syndicats à Toulouse et dans la région,où le secteur fait figure de «mono-industrie». Certains s'en inquiètent et pronostiquent un avenir sombre pour la ville rose, promise à un déclin comparable aux anciens bassins miniers du XIXe siècle. D'autres refusent ce tableau apocalyptique et veulent encore croire à une simple crise conjoncturelle. Une troisième voie se dessine autour de quelques ingénieurs de la CGT, dont Xavier Pétrachi, qui plaident pour une reconversion industrielle aux contours encore flous, en se basant sur les compétences des ingénieurs et des techniciens. Alors que gouvernement et collectivités avancent, notamment, sur la piste de l'avion propre, la diversification vers d'autres activités innovantes n'est pas un tabou. En aparté, Jean-Luc Mélenchon se déclare séduit par leurs thèses. Mais le chef de la France insoumise n'a pas indiqué vers quels autres secteurs de production pourraient se tourner les usines de Toulouse et de la région. Il s'est contenté de rappeler «les résistances terribles qui ont empêché par le passé certaines innovations», faisant référence au «train suspendu» de l'ingénieur Jean Bertin, dont les arches sont encore visibles dans la plaine de la Beauce.