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Libération
Récit

Les dépistages Covid surbookés à Paris

La France est capable de faire 700 000 tests du Covid chaque semaine. Mais à l'approche des vacances, la demande augmente, comme les délais pour obtenir un rendez-vous à Paris.
Un test dans une rue de Paris, le 11 mai. (Thibault Camus/Photo Thibault Camus. AP)
publié le 10 juillet 2020 à 16h55

Les laboratoires parisiens sont saturés. Un habitant de la capitale qui veut, ce vendredi 10 juillet, faire un test nasopharyngé pour détecter le Covid-19, doit attendre jusqu'au 16 juillet pour obtenir un rendez-vous. Et encore, les dernières places partent vite. «Il y en a même qui viennent de province», souligne Sandrine Carrière, à la direction des treize laboratoires Eylau-Unilabs, évoquant le cas d'un patient venu spécialement d'Orléans, à 130 kilomètres de Paris. Les labos tournent en continu, sept jours sur sept, pour analyser les échantillons et rendre les résultats dans un délai maximal de quarante-huit heures.

L'une des causes de cet embouteillage est la reprise des opérations chirurgicales, qui demandent un dépistage Covid automatique. Mais surtout, les départs en vacances. Pour prendre l'avion à destination de la France (métropole et outre-mer), le test est fortement recommandé pour les passagers âgés de plus de 10 ans. Il est à réaliser dans les soixante-douze heures avant le vol. Sans test, le vacancier se voit en effet infliger une «quatorzaine stricte» à l'arrivée en Guyane et à Mayotte.

Départ en vacances

«La demande explose depuis le 1er juillet», témoigne Benoît Chassain, président de Cerballiance Paris et Ile-de-France Est, groupe qui compte 56 laboratoires dans la capitale et sa région. Presque tous les sites fonctionnent sur rendez-vous. Cela permet de «s'organiser administrativement» et d'assurer la sécurité du personnel comme des patients, en dissociant ceux qui viennent pour une simple prise de sang de ceux souhaitant être testés – et donc potentiellement porteurs du virus. Mais difficile de séparer, parmi ces derniers, les personnes malades de celles qui veulent simplement partir pour la pause estivale.

«On a beaucoup de mal à "trier" les patients, car même ceux qui font un test pour partir en vacances ont une ordonnance, en disant qu'ils ont les symptômes. Le système repose sur la bonne foi», soupire Benoît Chassain. Au cas où des malades ont besoin d'un test en urgence, l'entreprise a tout de même prévu quelques créneaux de dépistage sans rendez-vous. C'est possible dans le labo Saint-Pétersbourg, dans le VIIIe arrondissement, l'un des trois centres Cerballiance proposant cette formule express et qui se consacre désormais uniquement aux tests Covid.

La solution du sans rendez-vous

Sous le soleil de 14 heures, à l’ouverture de ce créneau d’urgence, une file d’une bonne vingtaine de Parisiens patiente déjà sur le trottoir, dossiers à la main. Ceux qui arrivent un peu après 15 heures doivent faire demi-tour : les tests sans rendez-vous sont finis pour la journée. A 15h30, le coursier arrive pour récupérer les prélèvements, qui seront bientôt analysés. En une heure, une soixantaine de personnes auront été prises en charge : compter environ une heure d’attente et trente minutes pour se faire diagnostiquer.

Pour Laurent, un trentenaire, le test se fait sans encombres : «J'ai appris ce matin qu'un collègue avait le Covid. Dans la foulée, j'ai appelé un médecin que je connais bien, il m'a fait une ordonnance et me voilà !» Pour sa voisine de file, Léa, le chemin a été plus rude. «Un peu fiévreuse», elle a appelé une quinzaine de laboratoires aux lignes saturées, s'est déplacée en vain dans deux, avant de découvrir l'existence de celui-ci. Une autre, mêmes symptômes, assure en avoir appelé trente.

Un autre patient, aussi prénommé Laurent, a ressenti la veille «des symptômes». N'ayant pas trouvé de rendez-vous rapide, il s'est rendu dans un «drive» indiqué sur le site du ministère de la Santé. Mais sur place, surprise : ce lieu de test éphémère en plein air n'existe plus. Il a fini par se rendre dans ce centre, qu'il juge assez confidentiel. «Je pense que c'est pour éviter d'avoir trop de monde», glisse l'homme, qui a annulé tous ses rendez-vous professionnels de l'après-midi, s'attendant à faire la queue. Sa voisine s'agace qu'il n'y ait pas plus de créneaux pour les urgences, «les gens réellement malades».

Ordonnance ou billet d’avion français

Une employée du laboratoire, vêtue de sa blouse blanche, se présente sur le trottoir. Elle récupère les fiches où chaque patient a indiqué nom, numéro de sécurité sociale, médecin traitant et autres formalités administratives. Elle sort un terminal pour carte bancaire, car l’un a oublié chez lui son ordonnance, condition de la prise en charge à 100% du test par l’Assurance maladie. Dans ce laboratoire, il en sera de sa poche pour 73,76 euros. A lui de revenir plus tard muni du document pour être remboursé. Quant aux autres patients, tous ont leur ordonnance, obtenue facilement par téléphone ou par téléconsultation.

Aucun ne montre de billet d'avion à destination d'un aéroport français, justificatif qui permet aussi d'être remboursé. Mais «ça arrive», indique la professionnelle : «Je dirais qu'environ 60% des personnes ont une ordonnance de leur médecin et 30% leur billet d'avion. En fait, quasiment toutes viennent faire le test pour voyager», estime-t-elle. Et de préciser que la plupart du temps, elles présentent des petits symptômes et veulent être sûres d'être saines avant de rendre visite à leur famille.

Bons de dépistage

«Nous avons les moyens de réaliser 700 000 tests diagnostiques par semaine, nous en faisons autour de 400 000», pointait cette semaine le président du conseil scientifique Jean-François Delfraissy. Mais la demande n'est pas également répartie sur le territoire. En Ile-de-France, l'Etat a lancé fin juin une opération «bons de dépistage» : à terme, 1,3 million de personnes sont invitées à se rendre dans un labo sur simple présentation du mail ou courrier reçus. Objectif pour l'Etat : détecter des cas asymptomatiques.

L'envoi est progressif pour éviter de submerger les laboratoires, précise l'Agence régionale de santé. A Paris, certains «drives» qui ont été suspendus depuis la baisse de la circulation du virus, pourraient aussi reprendre du service. «On est tous limités en effectifs, surtout que le personnel de santé commence à prendre ses congés d'été. Il commence à être fatigué», rappelle Benoît Chassain, le président de Cerballiance Paris et Ile-de-France Est. Les patients ne sont pas les seuls à avoir besoin de vacances.