Plus haut, plus vite, plus fort. A mesure que les langues se délient et que les témoignages, plus seulement anonymes, se multiplient, les regards convergent vers le sommet de l'entreprise. Quelques heures après les premières révélations de Libération sur l'ambiance toxique qui règne dans les studios d'Ubisoft, le PDG en personne a écrit à tous ses collaborateurs. Confronté aux accusations de harcèlement et d'agression sexuelle visant Tommy François, l'un de ses créatifs star, Yves Guillemot a promis un «changement de culture et de structure». Volontarisme sincère ? Artifice de communication de crise ? A la lecture des nouveaux éléments apportés par notre enquête, on se demande comment Ubisoft peut sortir indemne de ce que l'on peut désormais qualifier de #MeToo du jeu vidéo. Au cœur du système toxique qui imprègne l'entreprise émerge la figure Serge Hascoët. Un intime d'Yves Guillemot, cofondateur avec lui d'Ubisoft, dont il est toujours le numéro 2. Discret à l'extérieur, cet homme puissant n'est pas personnellement visé par les accusations les plus graves. Mais de nombreux témoignages le décrivent comme celui par lequel le système de boy's club viriliste et machiste existe et prospère. Qui aurait autorisé que, sous couvert de «résultat», les comportements les plus déplacés soient tolérés par l'entreprise et les ressources humaines. Glauquissime calcul du bénéfice-risque qui promet l'impunité à certains agresseurs. Voyant leur parole confisquée voire niée, les victimes, jusqu'alors, finissaient par se taire ou par quitter l'entreprise. En invisibilisant les agissements de certains de ses membres, Ubisoft a ignoré les victimes et contribué à ériger le harcèlement en culture d'entreprise. Un échec collectif dans lequel les responsabilités sont, elles, individuelles.
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