Les frigos sont couchés sur le dos, portes vers le ciel. Par temps sec, ils servent de banc, de lit ou de table de travail. Quand la pluie tropicale s’abat sur la Guyane, on ouvre les portes pour qu’ils se remplissent d’eau. On comprend alors que les boîtes horizontales ont été disposées dans des endroits stratégiques, en contrebas d’un toit en tôle ou au débouché d’une gouttière, d’un entonnoir géant. Ces centaines de réservoirs sont précieux. Sans eux, l’eau ne monterait pas jusque dans le bidonville du Mont Baduel.
A Cayenne, la misère se niche souvent dans les endroits inconstructibles, dans les marais, en bord de fleuve, ou ici, à flanc de colline. Elle grimpe de plus en plus haut dans la forêt escarpée, se taillant des marches dans la terre boueuse, tirant des fils électriques dans les arbres, entassant les cartons, les planches et les plaques de tôles pour former des maisonnettes tordues entre les racines. Rien n'est vraiment droit sur le Mont Baduel. La première habitation a été celle de la famille De Los Santos Reyna. Tout le monde lui reconnaît le privilège de l'ancienneté. Elle possède d'ailleurs la seule demeure à étage du quartier. Est-ce pour le rappeler que la matriarche s'adresse à nous depuis son balcon ? «Mon mari a construit ici en 1999, d'autres Brésiliens se sont installés autour, puis les Haïtiens, puis les Dominicains, raconte la dame, vêtue d'une blouse culotte blanche, épaules dénudées. On se débrouille. Ici, les gens sont maçons, peintre