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Libération
Éditorial

Catastrophe

publié le 12 juillet 2020 à 20h01

Après plusieurs semaines d'un mouvement social qui avait paralysé le territoire, il avait fallu la promesse d'investissements massifs - infrastructures routières, établissements scolaires, une cité judiciaire et une prison - pour permettre le retour du calme. Un plan à 3 milliards d'euros pour un territoire comptant moins de 300 000 habitants, une paille. C'était en 2017. Fraîchement élu, Emmanuel Macron disait alors avoir «de l'ambition pour la Guyane», prévenant dans le même temps : «Je ne suis pas le père Noël parce que les Guyanais ne sont pas des enfants.» Trois ans et une crise du Covid plus tard, Castex et Véran trouvent les indicateurs toujours au rouge. Pauvreté, malnutrition, chômage… Aux maux connus de la Guyane se sont ajoutés ceux de l'épidémie. L'économie encore largement informelle y prive nombre de travailleurs des systèmes habituels de protection sociale. Autant de populations confinées depuis des décennies sous le seuil de pauvreté, cibles privilégiées du virus. En cela, ce bout de France ressemble davantage aux territoires américains voisins qu'à ceux, lointains, de l'Hexagone. L'aide venue de métropole la pousse à s'en distinguer : à condition d'être soutenu, le système hospitalier local devrait encaisser le choc d'une contamination massive. Avec une virulence certes moindre qu'attendue, l'épidémie est partie pour durer. Et si la situation sanitaire, bien sous contrôle, reste tendue, une autre catastrophe, humanitaire celle-là, est en cours. Notre reporter en décrit les stigmates, de la frontière du Brésil aux bidonvilles de Cayenne. Confinés, bloqués dans l'état d'urgence sanitaire et soumis à un couvre-feu quotidien, les Français de Guyane ont plus que jamais besoin des preuves de la solidarité nationale. Dans la réponse de l'Etat face à la crise, tous les territoires de la République doivent être égaux. Certains pas moins que d'autres.