Sa blouse blanche gît sur la même chaise depuis trois mois. Juste là, objet-vestige de la salle de consultation silencieuse et désormais figée de l'avenue Boileau, au cœur du quartier populaire de Bois-l'Abbé, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Hakima Djemoui l'observe comme une relique d'un autre temps, pourtant si proche, où la «vie avait encore du sens», ses quatre enfants leur père, et les patients un médecin de quartier. Le 2 avril, son mari, Ali, est mort du Covid-19. Elle était son «bras droit» au cabinet. «Après l'enterrement, je me torturais en me demandant pourquoi je n'étais pas morte à sa place, raconte-t-elle, les yeux rivés sur l'assise. On pratiquait les mêmes gestes barrières. On portait nos masques le même nombre d'heures à cause de la pénurie. J'ai culpabilisé d'être en vie.» Ses émotions ont depuis cristallisé en rage. «J'ai réalisé que rien n'était de ma faute et qu'il n'y avait qu'un seul responsable, l'Etat. Je veux qu'on respecte le sacrifice de mon époux, qu'on reconnaisse l'abandon des médecins de ville et les erreurs des politiques.»
«Faute lourde» de l’Etat
Hakima Djemoui a déposé plainte contre X pour «abstention de combattre un sinistre» et «homicide involontaire» devant le parquet de Créteil. Une seconde plainte, visant l'ex-Premier ministre Edouard Philippe, la ministre de la Santé Agnès Buzyn et son successeur Olivier Véran,