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analyse

Discours de Castex : après le galon, les jalons

Le Premier ministre dévoile ce mercredi aux députés les grandes lignes de sa politique, qui devrait mettre l’accent sur les échelons locaux.
Jean Castex, à Paris, mardi. (Photo Ludovic Marin. AFP)
publié le 14 juillet 2020 à 19h51

Emmanuel Macron a écrit la partition, à lui de l'interpréter. Au lendemain de l'entretien présidentiel, Jean Castex prononcera ce mercredi à 15 heures sa déclaration de politique générale (DPG) devant l'Assemblée nationale. Il en continuait l'écriture mardi, soucieux, selon son entourage, de ne pas livrer «un inventaire à la Prévert, mais de se concentrer sur quelques objets très simples : relance, emploi, protection sociale, environnement, territoires, autorité de l'Etat». La réforme des retraites, dont Macron lui a renvoyé mardi le pilotage et dont il pourrait esquisser vendredi un calendrier, sera un objet attendu de ce programme.

L'homme sera jugé non seulement sur cette feuille de route, mais sur le résultat du vote qui suivra. Assuré d'obtenir la confiance, Castex ne l'est pas encore de son ampleur. Son prédécesseur avait obtenu 370 voix en 2017, puis 363 en 2019, chez une majorité dont les divisions se sont depuis accentuées. «Je sens un peu de perplexité chez les députés, note une source ministérielle. Entre Philippe et Castex, c'est d'un extrême à l'autre. Le premier maintenait une certaine distance, l'autre a débarqué en déclarant : "Je suis de la famille, embrassons-nous !" Ça fait un peu forcing…» A ses ministres, l'ex-maire de Prades (Pyrénées-Orientales) a d'emblée recommandé de «travailler encore plus avec les parlementaires». Certains pourraient prochainement rejoindre l'exécutif en tant que secrétaires d'Etat. Que ces nominations soient prévues après la «DPG» a d'ailleurs été interprété comme une «carotte» pour les députés - et pourquoi pas pour certains membres de l'opposition.

Déplacements

Très actif depuis son arrivée à Matignon, Castex a commencé à pallier son manque de notoriété par plusieurs interventions médiatiques. Parmi ses premiers déplacements, certains ont été placés sous le signe de l'urgence économique et sanitaire, comme sa brève visite en Guyane, d'autres ont affirmé une priorité régalienne : à Dijon avec le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, au tribunal de Bobigny avec le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. Dans ce sillon, il annoncera ce mercredi un «plan contre le communautarisme et le séparatisme», selon Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté.

Souvent peu familiers de leur nouveau patron, les ministres l'ont entouré samedi lors d'un séminaire gouvernemental. «Un mot est revenu tout le temps, c'est "territoire", rapporte un participant. Pour désigner les élus locaux, mais aussi les préfets et la bonne application locale des réformes.» Les ministres ont été invités - comme depuis le début du quinquennat - à multiplier les déplacements. Et si Castex, revenant sur une mesure de son prédécesseur, a augmenté la jauge du nombre de collaborateurs ministériels, c'est pour les rendre davantage disponibles pour les «corps intermédiaires». Mardi, Emmanuel Macron a fait de ce lien aux territoires, mais aussi aux partenaires sociaux, l'une des raisons de la nomination de l'ancien «monsieur Déconfinement» à Matignon. Opposant discrètement à Philippe «son style, sa personnalité, [sa] patte humaine», sa capacité à réformer «en étant plus à l'écoute, en associant davantage».

«Autoritaire»

Ouverture à l'extérieur, mise à l'équerre en interne ? «On le sent très tranchant dans la prise de décision, juge une ministre. Le sentiment est que les choses vont être arbitrées plus rapidement.» Un autre membre du gouvernement : «Macron veut que ce qu'il dit soit appliqué. C'est vrai que sous Philippe, quand les choses passaient par la moulinette de Matignon, elles pouvaient en ressortir un peu changées. Castex, contrairement à ce qu'on en dit, n'est pas un type effacé : il est assez autoritaire et veut que les choses avancent. Chargé du déconfinement, il a bousculé l'administration et les ministres alors que, statutairement, il n'était pas grand-chose.»

Lors d'une réunion consacrée à la sortie du confinement en avril, le gouvernement s'était vu reprendre : «J'ai reçu vos contributions, sur le plan de déconfinement. C'est très inégal. Il y a des ministres qui ont compris l'enjeu, d'autres pour qui c'est encore trop léger.» C'était il y a quelques semaines : rien n'indique qu'il ait, depuis, revu son niveau d'exigence.