Pas de ferry à l'horizon. Alors que le Maroc a annoncé la réouverture de sa frontière le 14 juillet à minuit pour ses ressortissants (1), et que des départs en bateau seraient organisés depuis Sète pour Tanger et Nador, des dizaines de Marocains se trouvent bloqués dans le port languedocien. Le départ du 13 juillet pour Tanger ? Faux espoir, malgré les billets en main. Celui du 15 ? Idem. Est-ce en raison du confinement qui vient d'être imposé à la ville blanche ? Nul ne le sait. Selon un représentant de la compagnie GNV venu apporter des explications à tous ceux qui patientent à l'entrée de la gare maritime Orsetti, «un ferry devrait partir de Gênes, rejoindre Sète le 15 juillet, puis se diriger vers Nador». Mais selon un autre agent du port, la seule annonce précise vient de la capitainerie de Nador : un bateau pourrait en partir le 17 et arriver à Sète le 19 pour repartir en sens inverse, chargé de passagers… Des incertitudes propices aux rumeurs : des candidats au voyage se sont entendu dire dans une agence sétoise qu'il n'y avait encore aucune date certaine et soupçonnent des reventes à la sauvette, à prix d'or.
Parmi ceux qui attendent, des Marocains qui travaillent dans le secteur du transport ou de l’import-export, arrivés début mars en France avec leur camionnette par bateau et coincés depuis sur le territoire hexagonal, oscillent entre l’abattement et l’exaspération. C’est un drame pour Brahim, 35 ans, qui transporte des colis depuis dix ans entre le Maroc et la France deux fois par mois, et qui désespère de rentrer chez lui, à Agadir. Comme ses camarades d’infortune, il n’a plus de travail et quasiment plus d’argent. Ils se sont regroupés sous un olivier, seul arbre à déployer son ombre bienfaisante à l’entrée du parking, pour échapper au soleil qui darde ses rayons brûlants sur le bitume, tout en gardant un œil sur leur camionnette chargée à bloc – sauf l’un d’eux qui a été contraint de tout revendre, le véhicule et son chargement. La nuit, ils seraient une quinzaine à se réfugier là. D’autres, travailleurs ou vacanciers, dorment dans leur véhicule. Pas de toilettes, pas de douche, pas d’accueil. La gare maritime Orsetti garde ses portes closes.
Une voiture chargée pour le départ vers Tanger en attente sur le parking de la gare maritime Orsetti à Sète.La plupart ont payé cher des billets achetés au dernier moment, par Internet. Ayoub Benali, qui vient de Paris et compte aller retrouver ses proches à Rabat comme tous les étés, a payé son aller simple avec voiture près de 700 euros, le double de l’an dernier. Pour beaucoup, dont le véhicule est plus grand, ou qui ont réservé une cabine, le prix avoisine les mille euros. Pas le choix. Georges (le prénom a été changé) et son épouse marocaine, qui vivent dans la région parisienne, ont fait des pieds et des mains pour acheter des billets d’avion. Mais quand la vente s’est enfin ouverte, plus de places. Alors, ils ont décidé de tenter leur chance à Sète. D’autres, Marocains installés en Europe, ont essayé la traversée par l’Espagne, mais une fois à Algésiras et Tarifa, la douane espagnole les a informés que, de ce côté-là, la frontière marocaine restait finalement fermée.
Abdelali Hrifech, un chef d'entreprise germano-marocain parti de Munich le 6 juin, est arrivé le 10 juillet à Sète.