Entre eux, cela pourrait être un mariage de raison. Puisque ce sera Jean Castex, va pour Jean Castex, se sont d'abord - fraîchement - résolus les députés LREM. De fait, le nouveau Premier ministre n'est pas venu, mercredi à l'Assemblée nationale, leur vendre du rêve, mais se propose de livrer sa commande en «six cents jours» avec des résultats concrets. Sans être subjugués sur la forme, les marcheurs sont tout de même tentés d'acheter le fond. Après une standing-ovation polie, lorsque Jean Castex monte à la tribune, et quelques applaudissements - nourris quand il rend hommage à son prédécesseur et à ceux qui ont vécu l'épidémie de Covid-19 en première ligne -, ils lèvent petit à petit le nez et écoutent plus attentivement. Le style Castex ne les a toujours pas conquis. En petit comité, certains s'amusent à imiter ses articulations saccadées. «Il a annoncé l'accélération du très haut débit. Peut-être un message personnel», ricane un député de la majorité. Lequel juge le discours du chef du gouvernement «sérieux, clair, complet, mais monotone et sans aspérité».
«Efficace»
Edouard Philippe a pu les emballer par ses traits d'esprit et les refroidir par sa raideur. Son successeur pourrait les embarquer s'il était à la hauteur de sa réputation d'homme de dialogue. «Le premier mettait de la poudre aux yeux pour, au final, s'avérer tristement juppéiste, balance un député LREM. Le second est nul en discours. On s'en fiche, on ne lui demande pas d'être populaire, mais efficace.» «J'aime sa franchise, il est moins lyrique qu'Edouard Philippe mais va droit au but», estime Ludovic Mendes. «Le sujet n'est pas de créer l'euphorie mais de mettre à profit les six cents jours qui nous restent. Jean Castex a été posé, sobre et précis», analyse Bruno Questel, qui a apprécié ses mots sur la laïcité et la République.
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La référence aux «territoires», abondamment surlignée, a aussi plu. «Il correspond à ce moment, complimente Patrick Vignal. Un homme du cru, ancré dans son territoire, qui peut résorber la cassure entre le pouvoir parisien et les gens de terrain.» Malgré quelques clins d'œil - plan vélo, régulation de la publicité -, le Premier ministre n'a toutefois pas convaincu les ex-marcheurs partis créer le groupe Ecologie Démocratie Solidarité, qui devaient être plusieurs à voter contre «la confiance». Certains lui savent gré de ne pas être venu les mains vides au lendemain de l'interview d'Emmanuel Macron, sans réelle consistance sur le nouveau cap promis. Lors de la réunion du groupe LREM mercredi matin, plusieurs ont fait part de leurs attentes déçues. «On est nombreux à ne pas avoir été convaincus» par l'interview présidentielle, glisse un pilier du groupe. Le même distingue «l'accueil réservé des cadres» envers Castex et la perception qu'en ont les «élus de base», qui, eux, «pensent qu'il peut comprendre leurs difficultés». Sacha Houlié se dit quant à lui «agréablement surpris» : «On voit le changement de méthode, tout peut être discuté : l'assurance chômage, la réforme des retraites, dont l'ambition systémique demeure. Sur le plan de relance, on assume de dépenser de l'argent public en soutien à l'économie et pour l'accompagnement social.»
«Du nouveau»
Illustration de la méthode Castex ? Le départ - à la demande de ce dernier, selon le Point - de Marc Guillaume, influent secrétaire général du gouvernement, n'a pas échappé à la majorité. «Cinq ans sous Sarko, cinq ans sous Hollande, trois ans qu'il pourrit nos amendements. Là, il y a du nouveau», applaudit un macroniste. Si le groupe LREM se prend à rêver d'être enfin écouté en haut lieu, il est lui-même en pleine remise en question. Fragilisé, son chef de file, Gilles Le Gendre, est toujours poussé vers la sortie. Des noms - François de Rugy qui fait campagne en interne ou Christophe Castaner, passé tout sourire salle des Quatre-Colonnes mercredi avant de retrouver son siège début août - circulent déjà pour le remplacer. Eventuellement à la rentrée.