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Libération
Interview

Bacheliers sans affectation : «Cela révèle les faiblesses structurelles du système»

Julien Grenet, chercheur au CNRS, déplore l’inadéquation entre les capacités d’accueil et les souhaits des candidats.
Universite de Picardie Jules Vernes (FRANCOIS LO PRESTI/Photo François Lo Presti. AFP)
publié le 16 juillet 2020 à 19h01

Julien Grenet est chercheur au CNRS et à l’Ecole d’économie de Paris. Il a fait partie du comité de suivi de Parcoursup pendant un an, avant de claquer la porte l’été dernier, déplorant le manque de transparence de la procédure d’orientation.

Beaucoup de nouveaux bacheliers se retrouvent dans l’angoisse, sans affectation, cette année encore plus que d’habitude…

C’est l’une des petites surprises du Covid : l’explosion du taux de réussite au bac, qui n’est pas sans conséquence sur l’enseignement supérieur. Cela révèle surtout les faiblesses structurelles du système. Le système est très peu résilient, il n’absorbe rien. Au moindre choc - une hausse démographique transitoire (comme le baby-boom des années 2000) ou un imprévu comme l’épidémie aujourd’hui, il est sous pression. Les tensions sont visibles tout de suite, des étudiants finissent sur le carreau. Ou acceptent des orientations qu’ils ne veulent pas vraiment. Les filières déjà en tension (Staps, droit, psycho) le sont encore plus, et la sélection est très importante. Comme à chaque fois que le taux de pression augmente.

On a l’impression de réentendre les mêmes problèmes qu’à l’époque d’APB, l’ancien système qui a été abandonné pour ces mêmes raisons…

Parce que ce n’est pas lié à la plateforme en tant que telle ! Le problème est toujours le même : l’inadéquation entre les capacités d’accueil et les souhaits des candidats. C’était déjà la cause profonde de la crise d’APB : le manque de places. Ce n’est pas lié à la hausse du nombre d’élèves qui veulent faire des études.

Contrairement à une idée reçue, la France n’a pas un taux d’accès à l’enseignement supérieur particulièrement élevé, nous sommes dans la moyenne des pays de l’OCDE. La question est : pourquoi la France ne se donne pas les moyens de les accueillir ? Il y a un sous-investissement dans l’enseignement supérieur depuis longtemps. Il faut investir vite, et massivement.

On peut imaginer que le nombre de bacheliers est exceptionnellement haut cette année, et que la situation sera moins tendue l’an prochain…

Non, pas du tout. La crise liée au coronavirus va mettre le système encore plus sous tension les prochaines années. Face aux perspectives sombres sur le marché du travail, beaucoup de jeunes vont reprendre ou entamer leurs études. Notamment les bacheliers professionnels, à la recherche de formations courtes, trop peu nombreuses. Le manque de places va se poser avec plus d’acuité encore.

Et la pression sur les élèves sera alors encore plus forte ?

Oui, le stress est continu, et pèse sur les plus fragiles : ceux qui n’ont pas les moyens d’attendre et acceptent une proposition parfois par dépit. On n’a pas d’outil permettant de mesurer le taux de satisfaction, contrairement à l’ancien système APB… Surtout, il n’y a aucune transparence ! C’était pourtant l’un des engagements au moment de changer de système. Mais dans les faits, les élèves ne connaissent toujours pas les critères qu’utilisent les formations pour faire leur classement. Ce qui rend plus difficile l’acceptation des décisions. Ce manque de transparence a mené l’ancien système à sa perte. On recommence.