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LREM : Le Gendre poussé dehors, le groupe se cherche encore

Fragilisé en interne, le patron des députés marcheurs a annoncé qu’il passerait la main à la rentrée. Après ce départ, symptôme d’une majorité qui peine à exister, des noms, comme Rugy ou Castaner, circulent déjà à l’Assemblée pour reprendre le flambeau.
Gilles Le Gendre et Jean Castex, à l’Assemblée nationale, le 15 juillet. (Photo Albert Facelly)
publié le 16 juillet 2020 à 20h36

Ce groupe La République en marche, qui se jurait en juin 2017 de faire tourner les postes clés pour encourager «le renouvellement permanent», est servi. Le voilà reparti pour une nouvelle élection interne - la quatrième en trois ans -, qui aura lieu en septembre pour se trouver un chef de file - le troisième depuis le début de la législature. Au lendemain de la déclaration de politique générale de Jean Castex à l'Assemblée nationale, le président du groupe LREM, Gilles Le Gendre, a annoncé qu'il jetait l'éponge et qu'il passerait la main à la rentrée lors des journées parlementaires à Amiens.

Une décision ultraprévisible tant le député de Paris était fragilisé et poussé vers la sortie par une partie des marcheurs. L'intéressé l'admet à demi-mot dans le courrier qu'il leur a adressé : après avoir traversé la crise des gilets jaunes, la contestation sur la réforme des retraites et la crise sanitaire, «un mandat de deux ans compte double». Lui qui s'est longtemps accroché, faisant valoir sa réélection au premier tour en juillet dernier, avait manifesté, ces derniers jours, des signes de ras-le-bol auprès de ses proches. Ceux-ci souhaitent bien du plaisir à son ou sa successeur(e) et jugent que, Le Gendre parti, la question existentielle de LREM reste entière, trois ans après son installation : alors que ses membres ont usé jusqu'à la corde la formule de «l'ADN d'En marche», que porte vraiment le groupe majoritaire ? Et à quoi sert-il ? Florilège. «Gilles est un symptôme des dysfonctionnements. Ça n'a pas marché mais ce n'est pas que de sa responsabilité», lui reconnaît une députée qui relève le côté «enfants gâtés» de ses pairs : «Avant, ils voulaient de la diversité. Maintenant, ils veulent du charisme et de l'autorité.»

«Utilité collective»

Après le départ d'une quinzaine de députés qui ont fondé le groupe Ecologie démocratie solidarité ou rejoint les élus du parti Agir, une autre s'interroge : «Certains comprennent l'intérêt de nous quitter pour un plus petit collectif. Mais comment leur montrer l'intérêt de rester ?» Pour un troisième, «les députés se cherchent encore une utilité collective. Le groupe doit exister par lui-même, porter sa contribution, avoir des victoires. Faute de quoi, il continuera de se déliter.»

En dépit de ce tableau peu enthousiasmant, plusieurs députés se tâtent. Plus proche de la ligne de départ, François de Rugy ne devrait pas tarder à officialiser sa candidature. L'ancien président de l'Assemblée et ex-ministre de la Transition écologique est déjà en campagne, multipliant les rencontres avec ses collègues, rendant visite à l'un d'eux dans sa circonscription. Revenu à l'Assemblée en août 2019, après sa démission liée aux articles de Mediapart sur ses dépenses à l'hôtel de Lassay, il s'est d'abord montré discret mais assidu. «Je me suis immergé dans le groupe, je n'ai pas raté une réunion en un an», rappelle le Nantais. Il y prend désormais ostensiblement la parole, retrouve les plateaux de télévision et dit aux députés qui le sondent être «prêt à relever le défi». Certains trouvent que l'ancien Vert a payé cher son affaire et n'y voit pas un obstacle quand d'autres n'effacent pas si vite le cliché des homards. «François a de grandes qualités, son plus gros défaut est de ne pas comprendre qu'il y a un sujet. C'est trop tôt», estime un député.

«Lot de consolation»

Fraîchement débarqué du gouvernement, l'ex-ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, laisse planer le doute sur ses intentions. Alors qu'il ne retrouvera officiellement son siège de député que le 4 août, il a pris soin d'apparaître tout sourire dans les couloirs de l'Assemblée peu avant la déclaration de politique générale, mercredi. «J'ai juste profité du charme des Quatre-Colonnes, c'est presque des vacances, Paris au mois de juillet !» badine-t-il par SMS, jugeant «trop tôt de parler de la suite». Avec un groupe parfois imprévisible dans ses désignations internes et soucieux de marquer sa différence avec l'exécutif, l'atterrissage est tout sauf garanti. «Et puis, le groupe n'est pas un lot de consolation», cingle un parlementaire.

Deux autres noms circulent. Celui d'Olivia Grégoire, sollicitée, notamment par des députées, qui vantent sa poigne et sa franchise. L'élue de Paris trouve prématuré d'évoquer une candidature mais ne ferme plus la porte et confie «envisager» cette piste. La présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, est, elle aussi, approchée. «Pas mal de gens m'en parlent. Mais il y a beaucoup de questions à se poser avant de se dire qui est la bonne personne pour tenir la barre : qu'est-ce que les députés attendent ? Quel partenariat établir avec le gouvernement ?» temporise-t-elle. Deux options non négligeables pour une majorité épinglée à plusieurs reprises pour ses nominations très masculines. Lors d'un apéritif dans les jardins de Matignon, il y a dix jours, on a vu Jean Castex prendre la parole, entouré du gratin macroniste - notamment les chefs de file LREM, Gilles Le Gendre, François Patriat et Stanislas Guerini, et les patrons des députés Modem et Agir, Patrick Mignola et Olivier Becht. La photo a suscité une certaine gêne chez les parlementaires. Et pas seulement à cause de l'absence de masques.