Quelle est l'origine de l'incendie ayant touché la cathédrale gothique Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes ? Alertés vers 7h45 par des riverains, pas moins de 104 pompiers sont intervenus rapidement sur ce lieu emblématique de la cité des Ducs, avant de parvenir à circonscrire le brasier deux heures plus tard. Des pertes importantes sont néanmoins à déplorer : le précieux tableau Saint Clair guérissant les aveugles d'Hippolyte Flandrin, le monumental orgue et son coffre de bois remontant à l'Ancien Régime, le grand vitrail de la façade occidentale ainsi qu'une partie des stalles du chœur et de l'orgue de chœur. «La seule chose que j'espère, c'est que cet incendie ne soit pas l'œuvre d'un criminel, sinon ça va encore apporter de la haine», s'inquiète Antoine, gérant d'un café donnant sur le parvis de la cathédrale, déjà victime d'un incendie (plus dévastateur) en 1972.
Dès la matinée, la piste criminelle était, en effet, rapidement privilégiée. Une enquête a été ouverte par le parquet de Nantes pour «incendie volontaire». Le procureur de la République, Pierre Sennès, a indiqué que «trois départs de feu distincts» (au premier étage au niveau du grand orgue, à droite et à gauche de la nef) avaient été identifiés, pointant «une distance conséquente» entre les uns et les autres. «Ce n'est pas le fait du hasard, c'est même une signature», a déclaré le magistrat, annonçant la saisie de la police judiciaire et le recours à un expert incendie du laboratoire de police technique et scientifique de Paris, «pour examiner les départs de feu et l'installation électrique».
Au fur et à mesure de la journée, l'hypothèse criminelle n'était toutefois pas la seule envisagée. Les premières investigations ne montrent pas de «traces d'effraction au niveau des extérieurs», a ainsi fait savoir le procureur de la République de Nantes. «Nous faisons preuve d'une grande vigilance. Tous les soirs après la fermeture, nous inspectons la cathédrale pour vérifier qu'il n'y ait aucune intrusion. Tout était en ordre hier soir», a assuré à Libération le recteur de la cathédrale, le père Hubert Champenois, présent sur les lieux.
Et si l'incendie était accidentel ? D'après nos informations, aucun combustible n'a été retrouvé à ce stade de l'enquête. En revanche, les trois points de feu sont tous alimentés en électricité. «Il suffit d'une surtension pour qu'une étincelle se déclenche, que le feu prenne et se propage sur le réseau», affirme une source intervenue à l'intérieur du bâtiment. Entièrement détruit par les flammes, le tableau signé Hippolyte Flandrin, élève du célèbre peintre Ingres, était par exemple accroché… juste au-dessus d'une armoire électrique (retrouvée carbonisée). Quant au grand orgue, il «était électrifié», précise une autre source mobilisée sur le sinistre, qui penche plutôt pour la thèse accidentelle. «Tout le problème de l'électricité d'une cathédrale, c'est que c'est un puzzle», glisse une source diocésaine.
Sollicité par Libération, le procureur de Nantes, Pierre Sennès, n'a pas donné suite. Samedi en fin de journée, les pompiers étaient encore à pied d'œuvre, retirant les débris et posant des étais pour sécuriser la structure de l'édifice au niveau du grand orgue. Dimanche matin, un bénévole du diocèse de Nantes était en garde à vue dans le cadre de l'enquête. Cet homme «était chargé de fermer la cathédrale vendredi soir et les enquêteurs voulaient préciser certains éléments de l'emploi du temps de cette personne», a déclaré à l'AFP Pierre Sennès, tout en soulignant que «toute interprétation qui pourrait impliquer cette personne dans la commission des faits est prématurée et hâtive».