Son visage ne dit rien à personne, et cela a ses avantages : Claire Landais, haute fonctionnaire qui vient d’être nommée secrétaire générale du gouvernement, allait jusqu’à présent au travail en métro et parfois à vélo, plus rarement avec la voiture mise à sa disposition par la République. Depuis mars 2018, elle occupait pourtant le poste sensible de secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), dépendant également du Premier ministre. Une fonction de l’ombre, peu exposée et autrement moins vaste que ses nouvelles attributions comme numéro 3 de Matignon (après le chef du gouvernement et son directeur de cabinet).
Elle remplace Marc Guillaume, un des seuls membres de la haute administration à avoir survécu à l’alternance Hollande-Macron. A en croire plusieurs sources l’ayant côtoyée, Claire Landais sera son antithèse : une pure technicienne, pas politique ou partisane pour un sou. Déjà au SGDSN, son comportement tranchait avec celui de son prédécesseur Louis Gautier, qui s’exprimait volontiers dans les médias et ne dédaignait pas la lumière. Elle n’a jamais reçu de journalistes, limitant ses prises de parole publiques aux forums officiels et à quelques auditions parlementaires.
Diplômée d'une grande école de commerce puis de Sciences-Po Paris, Claire Landais était dans la même promotion que le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, et la ministre déléguée à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, à l'ENA. Elle choisit le Conseil d'Etat à la sortie en 2000, alors qu'elle n'avait pas fait de formation universitaire en droit. L'une de ses attributions sera la direction du centre de documentation, qui n'échoit qu'aux meilleurs juristes. C'est la recette Landais, disent ceux qui ont eux affaire à elle : elle s'impose même là où on ne l'attend pas. Illustration en 2012 : le gouvernement Ayrault la nomme directrice des affaires juridiques du ministère de la Défense. Les militaires regardent de travers cette juriste qui n'a connu que le Conseil d'Etat et l'Education nationale. «En trois mois, elle est devenue indispensable, incontournable et respectée, dit Floran Vadillo, ancien membre de cabinet de l'ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, qui a suivi de près la loi sur le renseignement, à laquelle Claire Landais a largement contribué depuis le ministère de la Défense. Elle a un jugement extrêmement pur, dans l'intérêt de l'Etat, pas du tout "corpo".»
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Le genre de dévouement qui conduit à des grands écarts. Alors qu’elle a négocié le traité sur le commerce des armes au ministère des Armées, un texte encadrant plus strictement ce business singulier, elle en défendra une interprétation minimaliste quelques années plus tard, une fois au SGDSN, quand des associations attaqueront les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis. Cette année, son ex-secrétariat s’est retrouvé en première ligne face à la crise du Covid. Son passage au SGDSN, où elle a laissé un excellent souvenir, sera scruté par les commissions d’enquête parlementaires.